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le paysan posnanien est instruit : non seulement il connaît son métier, mais il a reçu, dans les cercles organisés par le clergé, une certaine éducation sociale et économique. Enrichi par la guerre, il a parfois acheté de la terre ; mais, le plus souvent, il a porté son argent à la banque : ici, l’ouvrier agricole apprécie les avantages de la grande exploitation et préfère généralement sa condition à celle d’un tout petit propriétaire.

Dans la population rurale de Posnanie, on peut distinguer trois catégories ; les paysans petits propriétaires, qui sont en petit nombre ; les fermiers, qui ont succédé aux « colonistes » allemands, reçoivent Une concession et payent des arrérages en argent : on en compte un peu plus de 20 000 ; enfin les ouvriers agricoles, qui forment de beaucoup la classe la plus nombreuse. Ces derniers sont payés à l’année ; leur salaire est constitué partie en argent, partie en nature : ils sont logés gratuitement, ont la jouissance d’un jardin et d’un morceau de terre arable, et le droit de nourrir deux vaches sur les pâturages du domaine. On trouve fréquemment des familles d’ouvriers agricoles établies sur une terre depuis soixante ans. L’effort combiné des propriétaires, qui sont tous bons agronomes, et des ouvriers qui appliquent avec docilité et intelligence les méthodes d’exploitation les plus modernes, a su tirer d’un sol beaucoup moins fertile que celui de Galicie et de certaines parties du royaume une production abondante et variée. L’Allemagne, qui pensait à ses besoins, exigeait l’abondance ; les Polonais se préoccupaient surtout de la qualité : c’est désormais cette dernière tendance qui prévaut, et la Posnanie est destinée à jouer en Pologne un rôle analogue à celui que jouent en Allemagne certaines provinces saxonnes : sa production deviendra de plus en plus qualitative. La Pologne aura dans le Grand-Duché quelque chose comme une immense ferme-modèle, d’où elle tirera ses semences, ses plants, ses animaux reproducteurs. Les agriculteurs posnaniens feront école et reprendront dans les autres provinces leurs méthodes, leur outillage perfectionné, leur esprit d’ordre et d’économie.

Il serait injuste d’attribuer à l’Allemagne tout le mérite d’un développement dont elle a trop longtemps profité : le grand instrument de progrès, il faut le reconnaître, non pas dans la colonisation prussienne, mais dans l’institution toute polonaise et catholique des coopératives agricoles. J’ai rappelé