Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/878

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le paludisme, la malaria, comme disent les Italiens, est le type de ces maladies qu’on appelle tropicales, ce qui est juste, mais laisse fallacieusemet entendre qu’elles ne peuvent sévir dans nos régions tempérées.

On peut aujourd’hui avouer sans inconvénients que l’inaction des troupes alliées en Orient, en 1916 et 1917, a été causée surtout par la malaria qui les décimait. Quelle peut-être la valeur combative d’une troupe dont la moitié est à l’hôpital ou grelotte d’une fièvre qui l’anémie ? De même, il est certain que la résurrection si décisive en 1918, du pouvoir offensif des armées d’Orient a été rendue possible surtout par l’efficacité des mesures prises progressivement contre la malaria. Petites causes, grands effets.

À cet égard, c’est l’Italie, — du moins en certaines de ces régions dès longtemps infectées, — qui a été le champ d’expérimentation le plus utile aux Alliés. L’efficacité des mesures progressivement adoptées par nos voisins a été telle que le nombre des paludéens de l’armée italienne est tombé de près de 50 p. 100 en 1901 à moins de 5 p. 100 en 1911.

Ici plus qu’ailleurs le mot de Bacon : « Savoir, c’est pouvoir, » a pris toute sa valeur. On n’a pu vraiment empêcher le paludisme ou du moins limiter ses agressions qu’à partir du moment où on a su comment il se propageait. Repérer les batteries ennemies, dans la guerre thérapeutique, comme dans la guerre tout court, est la première et la plus importante des conditions du succès.

La découverte mémorable faite par Laveran dans le sang des paludéens de l’animalcule, de l’hématozoaire agent de la maladie a été le premier pas dans cette voie où peu à peu, grâce ensuite aux travaux de Ronald Ross et de ses émules, on a découvert tout le mécanisme étrange et merveilleusement compliqué de la transmission morbide. Ce n’est pas le lieu de rappeler comment la malaria est transmise de l’homme à l’homme exclusivement par l’intermédiaire de certains moustiques, les anophèles, et, plus précisément, de leurs femelles, dans le corps desquelles le microorganisme, agent de la maladie, subit une série de métamorphoses surprenantes qu’Ovide lui-même, avec toute son imagination, n’eût pas osé rêver.

Toutes les mesures efficaces contre la malaria procèdent directement de ce que nous savons de l’évolution des hématozoaires responsables, tant dans le sang de l’homme que dans le corps des moustiques qui les véhiculent. Quelle dislance franchie depuis le temps où on croyait le paludisme causé par certaines émanations de l’air (malaria) !