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sous couleur de collaboration économique, tendaient à une véritable colonisation germanique de nos régions dévastées ; et, pendant que des démonstrations d’hostilité contre la France étaient organisées dans toutes les grandes villes impériales, pendant qu’à Berlin et à Hambourg, l’anniversaire du maréchal Hindenburg servait de prétexte à des discours haineux, où la révision du traité était violemment réclamée, les délégués officiels et officieux de l’Allemagne, se glissant, à Bruxelles, dans les couloirs de la conférence financière internationale, tentaient d’y circonvenir les neutres et d’y apitoyer nos alliés. Ils tâchaient même de démontrer à quelques-uns de nos compatriotes que le Reich était en état de faillite, que les impôts n’y rentraient point, qu’il était impossible d’émettre des emprunts pour consolider une dette flottante qui dépassait, le 31 août, 186 milliards de francs et s’augmentait de jour en jour, que la circulation de marks en papier atteignait, à la même date, 90 milliards et croissait continuellement, bref, que le Reich était incapable de nous verser un centime sur le montant de nos réparations. C’est toujours, comme on le voit, le même système. L’Allemagne veut, contrairement au traité, faire évaluer sa capacité de paiement avant que soit fixée notre créance, parce qu’elle espère bien, en intervertissant ainsi les termes du problème, obtenir, d’avance, une importante réduction sur le chiffre de sa dette.

Cette tactique n’a pas réussi à Bruxelles, parce que la Société des Nations, prévenue par le représentant français, M. Léon Bourgeois, avait écarté du programme tout ce qui touchait aux divers traités de paix; et, par suite, la Conférence n’a été, comme l’écrivait très exactement M. Louis H. Aubert, qu’une grande Cour des Miracles, où les nations sont venues, tour à tour, étaler leurs infirmités et leurs misères, et elle n’a point tourné, comme l’Allemagne l’espérait, à la confusion de la France. Mais que va-t-il se passer demain? Après les débats qui avaient eu lieu, dans les deux Chambres, à propos des accords de Spa, le gouvernement avait donné à entendre qu’il renonçait à rencontrer, de nouveau, les Allemands, que la Conférence de Genève n’aurait pas lieu, qu’on allait revenir enfin à la voie tracée par le traité et que la Commission des Réparations serait chargée d’évaluer la créance des Alliés; et le premier ministre belge, l’honorable M. Delacroix, avait proposé un expédient ingénieux pour favoriser cette évolution. Aussitôt, une revue diplomatique, généralement fort bien renseignée sur les choses anglaises, l’Europe nouvelle, a annoncé, en termes catégoriques, que M. Lloyd