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qu’en tant de cœurs rhénans, malgré l’effort prussien, malgré l’orgueilleuse grondeur de l’Empire des Hohenzollern, — malgré le temps, — se soit maintenu le souvenir de Napoléon et de la gloire française !

Les jeunes gens qui m’accompagnent sont émus. Tant de Français en cette terre allemande ! Tant de fidélité dans le souvenir ! En ce champ sacré, ils perçoivent comme le présent que nous venons construire se noue indissolublement au passé.


15 novembre.

Les Comédiens Français jouent maintenant en Rhénanie presque en permanence. Voici Mlle Géniat et Brunot qui donnent Ruy Blas en toutes les villes occupées ; l’autre jour c’était de Max avec Britannicus, et Silvain avec Tartuffe ; on annonce prochainement Duflos et de Féraudy. Tour à tour, paraît-il, nos meilleurs acteurs viendront sur le Rhin représenter les chefs-d’œuvre du répertoire. L’Opéra enverra aussi, pour de grands concerts, ses plus fameux chanteurs qu’accompagneront les musiciens les plus consacrés.

Nulle méthode de pénétration ne peut être meilleure. L’autre soir, à Britannicus, j’avais à mes côtés une jeune Mayençaise, en blanche toilette : la passion avec laquelle elle suivait le débit et les jeux de scène, la frénésie avec laquelle, aux fins d’acte, elle applaudissait, quel merveilleux témoignage du sens universel qu’ont gardé nos classiques ! Si les pièces sont bien choisies, dans quelques mois, ce ne sera pas, comme à présent, une petite élite, mais toute la ville qui viendra à Racine.

Pour les concerts, comment douter qu’ils n’attirent cette race musicienne ? Déjà leurs théâtres, quand ils veulent les grandes recettes, affichent Carmen, Mignon ou Faust, fit leurs amateurs regrettent de ne point entendre Rameau, Berlioz ou nos modernes, et ils se plaignent que nos grands artistes ne viennent plus ici.


23 novembre.

Tout Mayence, aussi bien Français que Rhénans, s’est rendu hier à la séance de danse que donne, sous la direction du chef d’orchestre mayençais Albert Jerter, une artiste rhénane, Mlle Adrienne Hacker. La musique, connue toujours, est fort bonne, et le Kappelmeister sait mener son orchestre.