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petitement cet hiver, devient une grande maison accueillante, installée en un hôtel luxueux, dont les soirées élégantes attirent déjà des Mayençais. En outre, ses dirigeants ont créé une coopérative qui va alimenter toute notre colonie : ils se flattent de résoudre ainsi la difficile question du ravitaillement des Français n’appartenant pas à l’armée d’occupation.

De leur côté, le Haut Commissaire et l’Université s’emploient à développer l’influence de l’esprit français. Le 13 mai, M. Tirard, en présence du général Dégoutte, du député Fribourg et des professeurs de la Faculté de droit de Strasbourg, a inauguré solennellement une Ecole de Droit et une Ecole supérieure de Commerce. D’autres Ecoles supérieures sont en projet, qui feront ainsi de Mayence un centre d’études françaises de premier ordre. Les jeunes gens que leur service militaire conduira en pays d’occupation pourront y achever leurs études, et, par leur commerce avec la population, faire connaître et aimer nos méthodes et notre esprit. Peut-être, plus tard, comme en notre lycée, les jeunes Rhénans voudront-ils suivre des cours qui les feront pénétrer au cœur de la culture française. Il était bon en tout cas qu’en cette vieille cité latine, le droit romain et le génie français reprissent leur place.

Notre théâtre et notre musique l’ont déjà prise, nos tournées d’artistes parisiens, malgré la contre-attaque de Berlin qui envoie ses vedettes les plus retentissantes dans toutes les villes occupées, attirent des Rhénans de plus en plus nombreux. Pour entendre de Féraudy dans l’Avare, ils étaient bien plusieurs centaines, tant à Mayence qu’à Wiesbaden. Mais c’est surtout Chevillard qui les a conquis : sa direction nerveuse, si elle les étonna d’abord, les enthousiasma finalement. Les musiciens de Wiesbaden, m’a-t-on dit, lui demandèrent de revenir diriger la Tétralogie, et chez ces mélomanes, ce n’est pas un mince éloge.

Oserai-je, après tout cela, parler de nos conférences au cercle Jeanne d’Arc ? Leur action s’ajoute à d’autres, et, si j’en crois de bons échos, elle ne fut pas si infime. N’est-ce pas un bon témoignage que ce compliment de clôture d’une personnalité catholique d’ici : « Vous nous avez appris beaucoup de choses, ne serait-ce que la liberté d’esprit de votre Université » ? Nous avons donné notre effort, et aucun effort n’est perdu.