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dit-on, vont réclamer, dès les premières séances du Reichstag, l’abolition du Sperrfrist qu’en juillet 1919, l’Assemblée de Weimar vota pour interdire toute discussion sur l’unité du Reich pendant cinq ans.

Ce Reichstag sans majorité, confus et chaotique, il sera curieux à suivre dans sa politique rhénane. Puisse-t-il enfin, inspiré par les leçons du passé, arracher et cette terre et toutes les Allemagnes à la Prusse despotique de Treitschke et de Bismarck !


27 juin.

Par ce beau dimanche d’été, toute une foule se presse sur le grand bateau blanc et or qui descend le Rhin. Sur les bancs de l’avant s’entasse une école de garçons et de fillettes avec leurs maîtres et leurs maîtresses. A la poupe, éclate en lettres gigantesques un nom, le Bismarck, et claque au vent un immense pavillon rouge, blanc, noir. Sur les bateaux voisins flamboie même le pavillon de la marine « impériale et royale » avec l’aigle méchant. Notre occupation débonnaire ne s’offense ni de ces noms ni de ces couleurs. Et quelle singulière République que celle-là qui cache son drapeau et ne connaît que les insignes d’un passé proscrit !

Puissant et rapide, le bateau descend. A chaque instant, sur le fleuve, nous croisons des trains de chalands, toujours parés du pavillon rouge, blanc, noir, et dotés de noms guerriers, ou bien encore de celui de Hugo Stinnes. Sur les deux voies qui bordent la rivière, des rames de wagons se suivent à faibles intervalles. Certes, le charbon ne manque pas en pays allemand, non plus que le trafic. Et quelle richesse alentour ! Vignobles déjà lourds de jeunes grappes, champs couverts d’avoines, de blés, ou de seigles, hôtels à 200 marks par jour, et restaurants à 60 marks le repas, tous bondés de clients… Francfort est-il donc si loin du Rhin que les rédacteurs de la Frankfurter Zeitung puissent encore parler de la misère des territoires d’occupation ?

Soudain, auprès de moi, un des instituteurs profère un commandement bref. Les enfants s’arrêtent de manger, et se dressent d’un seul mouvement. Leurs maîtres se découvrent. L’un d’eux pousse un Hoch ! qui ne trouve d’ailleurs point d’écho ; un autre fredonne le Deutschland über alles ! Emergeant au-dessus des vignes, écrasant tout le paysage de sa