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de l’espoir que nous n’irions pas à Genève pour « discuter » avec les Allemands sur les droits que nous accorde le traité et que la Commission des réparations est chargée de mettre en pratique.

Nous étions malheureusement dans une impasse. Les journaux allemands, affirmant qu’à Spa nous nous étions engagés envers le Reich, nous reprochaient amèrement notre manque de parole. Le gouvernement anglais nous rappelait ce qu’il regardait comme une décision commune ; mais la France qui avait été entraînée sur les marges du traité et qui commençait, un peu tardivement, à comprendre le danger de ces détours, essayait de se reprendre et de revenir au réduit qu’elle n’aurait jamais dû quitter. C’est alors que M. Delacroix s’est obligeamment entremis pour chercher une conciliation. Il a pensé qu’on pourrait demander à la Commission des réparations de désigner elle-même les experts du « small special Committee » et il a proposé que la réunion n’eût pas lieu d’abord à Genève, mais à Bruxelles. Mais, de quelque façon qu’il fût composé, le « small special Committee » discuterait-il avec les Allemands ou se contenterait-il de les entendre? Déciderait-il en dehors d’eux ou y auraient-ils voix délibérative? Évaluerait-il les dommages ou s’arrogerait-il le don de prophétie, en appréciant, dès aujourd’hui, la future capacité de paiement de l’Allemagne? C’étaient là les graves questions sur lesquelles portait réellement le débat et, si le dessaisissement de la Commission des réparations constituait un danger pour la France, c’est qu’il permettait précisément de trancher toutes ces questions contre le traité, contre les droits de la France, dans le sens des prétentions allemandes. M. Georges Leygues a fait les plus louables efforts pour sortir du cul-de-sac où, bien malgré lui, il s’est trouvé. Mais de quel côté eût-il pu découvrir une issue favorable? Il était trop tard pour revenir en arrière. Renverser les murs ou creuser des galeries souterraines, c’était nous exposer aux reproches des Alliés. Nous n’avions guère d’autre ressource que de nous accommoder de la position, en l’aménageant le moins mal possible. Parce que nous avions abandonné le traité, nous nous étions désarmés nous-mêmes ; car, à des gens qui nous disent : « Tenez votre promesse du 16 juillet 1920, » comment répondre : « Nous ne voulons pas la tenir, mais nous voulons que vous teniez, vous, votre promesse du 28 juin 1919? » Nous ne pouvons donc nous en prendre qu’à nous-mêmes si tout finit par une cote mal taillée. Tâchons du moins de ne pas glisser plus bas encore sur la redoutable pente où, depuis si longtemps, je nous ai vus descendre.