Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 60.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des plis de vieille graisse encerclaient les poignets comme des bracelets d’ivoire. — La mienne a été modelée à Rome par le célèbre Ferrigiani. Vous devriez faire faire celle de May. Il n’y manquera pas, ma petite. Elle a la main grande, mais blanche ; les sports modernes épaississent les jointures. Et à quand le mariage ? s’interrompit-elle, en regardant Archer.

— Oh ! murmura Mrs Welland, pendant que le jeune homme, souriant à sa fiancée, répondait : Le plus tôt possible, si vous voulez bien m’appuyer, chère Madame.

— Nous devons leur donner le temps de se connaître un peu mieux, tante Catherine, interposa Mrs Welland, affectant une hésitation de convenance.

L’aïeule répondit vivement :

— Se connaître ? Quelle plaisanterie ! Tout le monde à New York a toujours connu tout le monde. Laissez-le faire, ma chère ; n’attendez pas que le vin ait perdu sa mousse. Chaque hiver maintenant, je risque une pneumonie, et je veux donner le repas de noces.

Ces déclarations successives furent accueillies avec les sourires et les protestations qui convenaient, et la visite se terminait sur un ton de douce plaisanterie quand la porte s’ouvrit devant la comtesse Olenska. Elle entra en chapeau et en costume de ville, suivie, — à l’étonnement de tout le monde, — par Julius Beaufort.

Les dames s’exprimèrent mutuellement leur plaisir, et Mrs Mingott tendit au banquier la main modelée par Ferrigiani.

— Ah ! Beaufort ! voilà une rare faveur !

Elle avait l’habitude exotique d’appeler les gens par leur nom de famille.

— Merci. C’est une faveur que je voudrais vous faire plus souvent, dit le banquier de son ton d’arrogance habituelle. Je suis généralement très pris à cette heure-ci ; mais j’ai rencontré la comtesse Ellen dans Madison Square, et elle a été assez aimable pour me permettre de l’accompagner.

— J’espère que la maison sera plus gaie, maintenant qu’Ellen est ici, s’écria Mrs Mingott avec une superbe audace. Asseyez-vous, asseyez-vous, Beaufort. Approchez le fauteuil. À présent, je vous tiens, et nous pouvons potiner à notre aise. J’ai su que votre bal était magnifique, et j’ai très bien compris que