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Voici d’abord le doyen du corps diplomatique, le ministre d’Angleterre, sir Francis Elliot. Ses cheveux blancs révéleraient qu’il sera bientôt un vieillard, si sa figure et ses allures résolues n’attestaient qu’il a encore échappé aux atteintes de l’âge. Il réside depuis quinze ans à Athènes. Le gouvernement du Roi défunt lui est redevable de nombreux services. Personnellement, il est partisan des solutions pacifiques. Lorsqu’il s’associe à des mesures coercitives dont il comprend la nécessité, il s’efforce de les modérer. La vivacité de ses mouvements et son énergie sont proverbiales. On le verra, pendant les journées de décembre, lorsque sa légation est menacée par une poignée de réservistes, s’élancer au-devant d’eux, sans autre arme que son parapluie, le brandir comme une épée et, par la violence hautaine et dédaigneuse de sa parole et de ses gestes, obliger ces bandits à s’éloigner.

Le ministre de France, M. Jean Guillemin, occupe dans le corps diplomatique la place la plus en vue. C’est même le seul qui sache exactement ce qu’il veut, le seul qui le dise, et le répète avec une persistance énergique. Au cours d’une longue carrière, ayant rempli dans les bureaux du Quai d’Orsay les fonctions les plus délicates, ayant été successivement secrétaire, puis conseiller d’ambassade à Constantinople, à Saint-Pétersbourg et à Vienne, il doit à son passé le poste qu’il occupe. On ne saurait lui contester ni l’expérience, ni l’esprit de résolution et d’initiative ; ils caractérisent ses actes. Il y joint la prudence avec la constante préoccupation de ne rien faire qu’après s’être assuré de l’approbation de son gouvernement. Il gémira souvent des refus ou des silences qu’on oppose à ses propositions ; il soupçonne avec raison, — et maintes fois il en a la preuve, — que des relations sont engagées en dehors de lui avec des personnalités sans caractère diplomatique. Mais de ce qu’il pense il ne laisse rien paraître, si ce n’est pour protester à l’occasion contre les mesures qu’il désapprouve et pour lesquelles il n’a pas été consulté. Malgré les entraves qu’il rencontre fréquemment sur son chemin, il n’exerce pas moins sur ses collègues un ascendant qui permet de dire de lui qu’il a été souvent l’inspirateur de leurs décisions communes.

Le prince Demidoff représente la Russie. Possesseur d’une immense fortune, lettré délicat, poussant jusqu’au raffinement les habitudes de luxe et d’élégance, il entretient avec la famille