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THIERS [1]

Thiers, même sans tenir compte de son rôle historique, Thiers considéré dans ses idées et ses écrits, est très intéressant à étudier. Ce ne fut pas un grand penseur, ni même un grand théoricien politique ; mais ce fut un observateur sagace des faits sociaux à une certaine date. Il eut une pensée générale qui n’alla pas plus loin qu’à un siècle, mais qui, dans cette limite, fut très nette et arrêtée. Il n’eut pas un système, mais il eut un programme. Et ce programme fut lucide et fixe, très fortement appuyé sur la connaissance précise des faits historiques qui se sont produits depuis le milieu du XVIIIe siècle jusqu’en 1830. Thiers représente l’esprit moyen de la bourgeoisie française au XIXe siècle, et la manière dont la bourgeoisie française au XIXe siècle a compris la Révolution française de 1789 et ses conséquences, sans être tombé du reste dans les préjugés que cette Révolution a fondés pour un temps dans l’esprit de la plupart des Français. In bourgeois de France, très instruit, bon historien, peu chimérique, partisan de 89, admirateur inquiet du premier Empire, cherchant comme, après ces deux grandes

  1. LES ÉCRITS D’ÉMILE FAGUET. ― Avec l’autorisation de Mlle Andron, à qui Emile Faguet a légué ses manuscrits, et pour obéir aux intentions de l’écrivain, nous publions son œuvre posthume. Nous avons cru servir plus spécialement sa mémoire en offrant à la Revue des Deux Mondes, deux des études inédites qu’a laissées Emile Faguet. La première entièrement achevé est consacrée à Thiers. La seconde est intitulée : Mme Guyon et l’Amour pur. C’est la dernière à laquelle Emile Faguet travailla et que la mort e lui laissa pas le temps de terminer. Il est malaisé de dire pourquoi l’auteur n’a pas publié Thiers de son vivant. Ces pages, si l’on en juge par la calligraphie piquante, serrée, régulière, ont été écrites au temps des Politiques et Moralistes. On y retrouve toutes les fortes et subtiles qualités qui ont fait la réputation de l’analyse et son art incomparable à exposer et discuter les idées.
    Elle viennent à leur heure, à la veille des fêtes du Cinquantenaire de la République que Thiers plus qu’aucun autre contribua à fonder. ― JOSEPH AGEORGES.