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poussière grisâtre, les poivriers au feuillage roussi, tout flambait dans une lumière aveuglante. C’est ce jour-là que, conformément aux instructions de leurs gouvernements, les ministres de France, d’Angleterre et de Russie devaient remettre au gouvernement grec la note collective dont nous venons de présenter le résumé. Les trois ministres l’avaient signée et avaient décidé que deux d’entre eux, sir Francis Elliott et M. Jean Guillemin, iraient en porter l’original au ministère des Affaires étrangères, tandis que le prince Demidoff, qui entretenait avec le palais des relations amicales, justifiées par les rapports de parenté de la famille royale avec les Romanoff, se rendrait à Tatoï pour en communiquer la copie au roi Constantin, procédé de courtoisie auquel ses deux collègues avaient donné leur approbation. A onze heures, sans se laisser arrêter par la chaleur, ces deux derniers donnaient suite à leur décision et le prince Demidoff, sans prendre la peine de quitter son costume de tennis, s’éloignait pour remplir sa mission.

Les rares passants qui circulaient dans les rues eurent la surprise d’y voir passer l’auto de la légation de France, que leur faisait reconnaître le cavas, un Algérien, assis sur le siège à côté du chauffeur. Elle s’engagea dans la rue des Philhellènes et vint s’arrêter devant le ministère des Affaires étrangères, vaste maison à la façade toute blanche, que rien ne distingue des monumentales maisons voisines. M. Skouloudis étant absent, les deux visiteurs furent reçus par le secrétaire général du ministère, M. Politis. Indépendamment du pli cacheté adressé au président du Conseil, ils avaient préparé pour son subordonné une copie de la note collective. Il en prit connaissance devant eux et tout aussitôt se récria en alléguant l’impossibilité pour le gouvernement grec de remplir quelques-unes des conditions qu’elle stipulait, notamment de s’engager à dissoudre la Chambre et à procéder à des élections nouvelles. Les ministres de l’Entente se refusèrent à toute discussion, n’ayant rien à ajouter au contenu de la note. Mais comme pour atténuer la dureté de leurs ordres, ils prirent sur eux de déclarer à M. Politis que la démonstration des forces militaires et navales destinée à appuyer leur démarche et à faciliter au Roi une réponse favorable, ne prendrait une forme plus active que si l’ordre était troublé à Athènes ou si l’Entente n’obtenait pas satisfaction du Gouvernement royal.