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THIERS

II[1]

Les idées économiques de Thiers, dans le détail de quoi je n’entrerai point, peuvent se ramener à deux points : défense de la production nationale, défense de la propriété individuelle. Il avait horreur du libre échange d’une part et du socialisme de l’autre.

Pour ce qui est du libre échange, il le combattait d’abord parce qu’il s’était présenté, à ses débuts, comme un principe, et Thiers se défiait infiniment de ces principes idéologiques dont il savait la redoutable autorité sur les esprits français. Il se disait : Si le libre échange passe aux yeux des Français pour un principe de 89, ils lui sacrifieront la France avec la conviction de faire un acte qui les honore. Les Français, depuis un siècle, sont fiers surtout d’être des penseurs et ils immolent leurs intérêts les plus chers à la moindre formule qui a l’air d’une pensée. Il jugeait donc qu’il fallait combattre énergiquement une idée dangereuse qui affectait d’être un principe de droit, et où le mot de liberté, tout particulièrement fascinateur, était inclus.

Il pensait de plus que, quand le libre échange cesserait d’être un principe, mot qui dispensa de donner des raisons, quand il ne serait plus qu’une tendance, et dans la pratique une série de tractations diplomatiques, il serait dangereux encore comme

  1. Voyez la Revue du 1er novembre.