Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 60.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

précision définitive de son programme, et disait : Quel que soit le régime, la liberté seule importe, et la liberté, c’est le système parlementaire.

Aussi après 1870, tous les yeux se portèrent sur lui. On lui savait gré d’avoir conjuré, les larmes aux yeux, la Chambre impériale de ne pas voter précipitamment la guerre ; on lui savait gré de son voyage diplomatique à travers l’Europe pendant la guerre, voyage qu’il avait entrepris dans le vague espoir de nous conquérir un allié, et dans le dessein plus précis, parfaitement honorable et utile encore, de préparer l’Europe à voir Thiers chef de la France ; on lui savait gré de la modération bien connue de toutes ses idées ; et enfin il était le seul qui, depuis vingt ans, se fût montré homme d’Etat. Il fut désigné par les élections de février 1871 comme seul chef désiré et même possible du gouvernement.

Il accepta. Son dessein premier fut de faire la paix et de travailler à la libération du territoire. Quel fut son dessein politique ? Il est très probable que, dès la première heure, il songea à conserver la République ; mais il ne le dit pas, et n’avait pas à le dire. Il réserva la question. Elle ne pouvait être posée que plus tard, avec la paix à faire vite, et une Assemblée composée pour un tiers de républicains, pour un tiers de légitimistes et pour un tiers d’orléanistes. Il fallait, avant de songer même à une constitution définitive, que la fusion entre légitimistes et orléanistes ou fût faite, où fût reconnue impossible. Tout le monde le comprit et lu République comme gouvernement de fait lut acceptée.

Après la paix faite et l’insurrection de Paris vaincue, les élections complémentaires de juillet 1871 changèrent la situation. Ce sont ces élections qui firent la République actuelle. Elles envoyèrent à la Chambre une centaine de républicains. C’était assez pour partager l’Assemblée en deux parties à peu près égales, l’une composée de républicains de toutes les nuances, mais réunis autour de Thiers par le besoin pressant du danger, l’autre composée de légitimistes et d’orléanistes qui ne s’entendaient pas. De plus, comme indication politique, ces élections signifiaient que la France voulait la République. Elles avaient été faites au scrutin de liste dans presque tous les départements. Elles avaient la valeur d’une consultation nationale.