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Pressenti par Portalis, par Tronson du Coudray, qui protestèrent l’un et l’autre de leur dévouement à la Constitution, il les écouta avec une froideur un peu défiante. Cependant il finit par adhérer à leurs vues.

Il semblait qu’on touchât à un arrangement. A la séance du Directoire, Carnot proposa le remplacement des ministres suspects, Truguet, Delacroix, Ramel, et particulièrement le renvoi de Merlin. C’était le 27 messidor (15 juillet 1797). Pour les hommes d’ordre, l’espoir de réussir se confondit avec la colère d’être dupés. Barras trahit-il ses engagements, ou n’avait-on négocié si longtemps que pour ne pas sa comprendre ? Loin de soutenir Carnot, il se rangea du côté de ses deux collègues Reubell, La Révellière. On renvoya Truguet, trop compromis en des affaires louches, et on congédia Delacroix pour faire place à Talleyrand, ce protégé de Mme de Staël. Hoche fut nommé à la guerre ; mais Petiet, Bénézech, Cochon, tous ces ministres agréables à la majorité, furent sacrifiés. Par-dessus tout, l’odieux Merlin fut conservé ; et au lendemain de la loi de tolérance religieuse votée par les Cinq-Cents, ce fut le signe provocateur de la politique sectaire continuée.


VI

La majorité n’était pas au bout de sus mécomptes. Deux jours plus tard, un incident plus grave lui révéla, non seulement son discrédit, mais ses périls.

À l’armée de Sambre-et-Meuse, avait été préposé le général Hoche. A son nom, une double gloire s’attachait, celle de la Vendée pacifiée, celle de victorieuses opérations sur le Rhin. Les préliminaires de Léoben l’avaient arrêté dans ses succès. Bien que, sous la Terreur, il eût été incarcéré, il ne voyait de salut que dans la République et, d’instinct, abhorrait les royalistes. Des Conseils, il faisait peu de cas, en militaire qui dédaigne le bavardage. Cependant, un nom l’obsédait, celui de Bonaparte, jeune comme lui, glorieux comme lui, et qu’à tout prix il fallait distancer. Dans Hoche, un trait dominait : une brûlante immodération de désirs, moins semblable à celle d’un ambitieux qu’à celle d’un malade. « Donnez-moi, avait-il coutume de dire, un remède contre la fatigue, pourvu que ce remède ne soit pas le repos. »