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en outre, l’espoir de n’être plus livrés à nos seules forces dans l’action quotidienne de notre diplomatie. Mais le sentiment que la Russie était dorénavant à nos côtés ne changea rien aux résolutions pacifiques de la France. Il y eut seulement, en Europe, un contrepoids à l’hégémonie allemande.

Après les froissements passagers qu’avait provoqués, entre l’Angleterre et nous, la rencontre de nos entreprises coloniales, nous avions liquidé, en 1904, toutes nos affaires contentieuses et nous nous étions cordialement rapprochés. Le Roi Edouard VII et le gouvernement de la couronne, M. Loubet et M. Delcassé avaient mis au point ce pacte de réconciliation qui a été, pour notre politique extérieure, le point de départ d’une ère nouvelle. Dorénavant, le quai d’Orsay et le Foreign Office se concertèrent chaque fois qu’un incident quelconque risquait de menacer la paix et la France, alliée de la Russie et alliée de l’Angleterre, servit tout naturellement de trait d’union entre ces deux Puissances. Il n’y eut point, entre le Grande-Bretagne et la République, une convention de garantie défensive, analogue à l’alliance franco-russe. Le Foreign Office ne crut jamais pouvoir souscrire à aucun engagement d’assistance mutuelle. Mais les États-majors des armées de terre et de mer eurent des entrevues périodiques et dressèrent des plans communs pour parer aux attaques éventuelles. En 1912, je priai M. Paul Cambon d’engager, avec sir Edward Grey, des pourparlers afin d’obtenir du gouvernement anglais lui-même qu’il donnât une sanction officielle aux programmes des États-majors; et des lettres furent échangées qui, sans lier aucun des deux pays vis à vis de l’autre, stipulèrent, du moins qu’en présence d’une menace de guerre, les deux gouvernements entreraient immédiatement en rapports et, s’ils étaient amenés à envisager une action commune, mettraient en vigueur les accords naval et militaire.

La France avait fait enfin tout ce qui dépendait d’elle pour renouer avec l’Italie des liens que les traditions et la parenté lui rendaient doublement chers. Elle savait que sa voisine s’était unie à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie, mais elle ne mettait pas en doute qu’en adhérant à la Triple Alliance, l’Italie n’eût pas songé à favoriser une guerre entre nations latines. En 1902, M. Barrère eut, à cet endroit, de confiantes conversations avec le gouvernement royal. Elles st terminèrent par un échange de lettres. L’Italie promettait de ne jamais s’associer à une guerre qui nous serait déclarée sans provocation de notre part. Elle a tenu sa parole au mois d’août 1914.

La situation diplomatique se trouvait donc singulièrement