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Leipzig, viennent jouir ici de leurs rentes héréditaires ou acquises, ils se procurent un titre, ils deviennent hoffähig et se faufilent dans le cercle noble. Rien de l’égalité française.

Liberté des jeunes filles et femmes, mais moindre qu’en Angleterre. Une jeune fille monte à cheval, mais avec un groom et il vaut mieux qu’elle ait un cavalier. Elle peut aller seule au théâtre (fin à neuf heures), mais il faut qu’elle revienne en voiture. Elle peut sortir seule dans la rue, et va seule avec sa mère au café de Brühl.

Promenade en voiture avec ces dames, au parc, qui a des gazons superbes, de riches taillis, de grands arbres. Palais médiocre. Belle vue des alentours de Neuestadt sur la rivière et toute la vallée. C’est un beau pays calme et poétique. Concerts innombrables l’hiver, vie gaie et cordiale, sauf le particularisme des classes et sociétés. Avant d’accepter à dîner chez quelqu’un, on s’informe des convives : on craint de se trouver mêlé à des gens d’il ne autre société, engagé, demi-compromis. On ne voit et on ne veut voir que les mêmes personnes.

Articles de la Presse de Vienne. — Contre les cléricaux et hauts Tories de la Bavière. Le ton est âpre. Contre la France et les « rodomontades » de M. de Gramont à la tribune, contre le chauvinisme français et les mamelucks de la droite à propos du Hohenzollern qu’on veut faire roi d’Espagne. Annonces de mort, remerciements pour les visites reçues pendant la maladie et pour l’empressement au service funéraire. Gens qui se donnent des rendez-vous, ou demandent une femme avec quelques cents thalers de dot ; demande de souscription pour un pauvre ouvrier estropié. Ici comme en Belgique et en Angleterre on emploie la presse bien plus que chez nous pour toutes les affaires plus ou moins privées.

Mauvaises mœurs à Vienne, même grossières. M. G… me disait qu’un de ses amis, invité dans une maison, y trouve une dame très aimable qui fait les honneurs. Il croit que c’est la femme de son hôte. Pas du tout, c’est la femme d’un troisième, qui vit maritalement avec l’hôte. Mme P… a été fort gênée à Vienne avec sa fille. Impossible d’aller à table dans une restauration, ou dans un wagon, sans que les hommes se retournent et regardent fixement. Le manque d’égards est complet. « En France, dit-elle, quand on vous regarde, on n’a pas l’air de vous regarder. » Ici on se plante nez à nez.