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à Zaïmis, déclarait ce ministre. Nous ignorerions donc ce qu’ils contenaient, si nous ne pouvions le pressentir en nous rappelant les propos par lesquels le prince André rendait compte au Roi, son frère, des incidents de son voyage, propos qui bientôt ne furent plus un secret pour l’entourage royal et y causèrent une joie exubérante. André racontait qu’il avait été reçu par M. Briand à plusieurs reprises et avec la plus grande cordialité : il se disait convaincu qu’il avait définitivement déconsidéré Vénizélos aux yeux des Alliés et que le rappel du ministre de France à Athènes n’était plus qu’une affaire de jours. Les événements allaient prouver que ces propos étaient illusions et mensonges au moins en ce qui touchait le rappel de M. Guillemin.

Entre temps s’était produit un événement dramatique qui fit de nombreuses victimes, et où le roi Constantin avait failli périr. Un formidable incendie s’était déclaré le 13 juillet, sous l’action d’une chaleur tropicale et d’une sécheresse intense, dans la résidence où la famille royale passait l’été, construite plusieurs années avant par le roi Georges Ier à quelques kilomètres d’Athènes, près du hameau de Tatoï. Sur les hauteurs boisées qui dominent le paysage, de vastes espaces étaient à vendre ; il s’en rendit possesseur et, sur ses plans, des jardiniers venus de Copenhague transformèrent cette forêt en un parc somptueux où deux constructions s’élevèrent, dites l’une le château d’été, modeste cottage à l’anglaise, l’autre dite palais d’hiver. Un peu plus tard, le roi compléta son œuvre en élevant une église dont les cryptes sont devenues la sépulture royale. C’est au milieu de ce domaine que le feu avait éclaté dans la matinée. Le soir venu, il avait progressé, malgré la multiplicité des secours. Les Athéniens qui prenaient l’air sur les promenades de la capitale suivaient d’un regard consterné, à travers un épais nuage de fumée, les colorations lointaines qui de plus en plus rougissaient le ciel. Dès le lendemain, les bruits les plus contradictoires circulaient ; les journaux racontaient qu’il y avait déjà plus de trois cents morts et que l’incendie, loin de s’arrêter, faisait toujours rage. On racontait aussi que la reine Sophie avait pu s’enfuir avec la petite princesse, grâce au baron de Grancy, attaché naval de la légation d’Allemagne, et à von Falkenhausen, attaché militaire.

Pendant ce temps, le Roi essayait vainement de circonscrire