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REVUE LITTÉRAIRE

PETITES HISTOIRES DE PÉDAGOGIE SENTIMENTALE[1]

Dans notre ancienne littérature, et jusqu’à l’Emile, on ne voit pas beaucoup d’enfants ; l’on en voit si peu, on les voit si mal, qu’il est difficile de se représenter la vie enfantine au XVIIe siècle et même, en dépit de l’Emile, au siècle suivant. Je ne crois pas du tout que les enfants fussent moins aimés autrefois ; mais, qu’ils fussent aimés d’une autre façon, moins sentimentale et moins attentivement curieuse, on le dirait. Que Mme de Sévigné ait adoré sa fille, on le sait bien : toujours est-il que, si l’on connaît à merveille Mme de Grignan, l’on ne connaît pas beaucoup la petite Marguerite-Françoise de Sévigné. Mme de La Fayette, qui a rencontré le jeune Charles de Sévigné à Versailles, écrit à son amie : « J’ai vu votre fils, il est joli. » Cette courte phrase est du genre de celles qu’on cite pour démontrer que le sentiment de la nature ne manquait pas aux délicats écrivains classiques. Sans doute nos bons amis du temps passé ne furent-ils pas indifférents aux délices de la campagne, ni à la gentillesse de l’enfance et de l’adolescence ; mais ils n’avaient pas inventé de transformer en poésie, et lyrique, et bientôt éperdument lyrique, le spectacle des champs et des horizons, ni l’hésitation de l’âge qui prélude. La philosophie alors régnante ne les engageait pas à une

  1. L’enfant inquiet, roman, par André Obey (Librairie des Lettres) ; — L’inquiète adolescence, roman, par Louis Chadourne (Albin Michel) ; — La vie inquiète de Jean Hermelin, par Jacques de Lacretelle (Grasset ; — La chair et le sang, roman, par François Mauriac (Émile-Paul) ; — Le bébé barbu, roman, par André Birabeau (Flammarion) ; — Ariane, jeune fille russe, par Claude Anet (la Sirène).