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REVUE SCIENTIFIQUE

TRANSPORTS AÉRIENS

Avez-vous lu Baruch ? Si non, vous êtes excusable, car un peu de sa substantifique moelle se trouve déjà à l’état potentiel dans les philosophes de l’antiquité Mais avez-vous été à Londres en « Goliath » ? Si non, vous ignorez une des sensations les plus rares de cet étrange XXe siècle, une de celles précisément que nos ascendants dans la longue histoire humaine n’ont jamais pu connaître. C’est par des choses comme celles-là seulement que notre vie est un peu supérieure à la leur. Si nous ne savons pas les savourer, ce n’était vraiment pas la peine d’être né juste à point pour profiter de tant de durs efforts ; et nous pourrons vraiment dire alors avec le poète (qui d’ailleurs pensait à bien autre chose qu’à l’aviation lorsqu’il écrivait cela) : « Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux. » — L’homme capable d’être heureux sur cette singulière planète est peut-être, au contraire, celui qui trouve toujours qu’il est venu trop tôt dans un monde trop jeune et dont les pensées et les sens s’ouvrent largement à tout ce qu’on n’a pas connu avant lui. Pour celui-là le rêve poétique d’Icare, devenu aujourd’hui une réalité industrielle et même commerciale, offre de charmantes compensations à la peine de vivre.

On parle beaucoup depuis quelque temps de l’organisation des transports aériens de voyageurs et de marchandises, et les enthousiastes du début ne se dissimulent pas que ces transports, — en France du moins, et beaucoup plus qu’en Angleterre et en Allemagne, — se heurtent à quelques difficultés d’ordre pécuniaire et aussi, d’ordre moral si j’ose ainsi dire, sans aucune allusion à la politique.