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par son éminent collègue, a répondu qu’à son avis, les cultuelles, pas plus qu’aucune de nos lois intérieures, n’avaient rien à faire dans le débat, — ce qui était, à vrai dire, un désaveu implicite de la négociation commencée, — et il s’est attaché à justifier seulement par des considérations de politique étrangère et d’intérêt national permanent le rétablissement de l’ambassade. Les lois et les institutions de la République, a-t-il proclamé, doivent, aussi bien que la constitution et la tradition de l’Église, rester en dehors de toute négociation. L’Église est une force morale organisée, encadrée, hiérarchisée, qui agit sur la conscience et sur l’esprit de trois cents millions d’hommes, dont les deux tiers habitent l’Europe. Voulons-nous fermer les yeux à cette réalité ? M. Georges Leygues a ensuite insisté sur le protectorat français en Orient. Sans doute, a-t-il dit, M. Herriot avait raison, lorsqu’il démontrait que le fondement historique et juridique de ce protectorat n’est point une concession du Saint-Siège et que nous tenons nos droits de Capitulations consenties par les Sultans. Rien de plus exact. Le Saint-Siège lui-même a reconnu cette vérité, en 1888, dans les instructions qu’il a fait donner aux missionnaires par la Congrégation de la Propagande. Mais l’origine du protectorat est une chose, l’exercice du protectorat en est une autre. Pour avoir toute liberté d’action, nos missions doivent obtenir l’appui du Saint-Siège et, lorsque nous ne sommes pas là pour les défendre auprès de lui, des pays rivaux savent profiter de l’occasion.

À son tour, après les rapporteurs, le Président du Conseil a cherché à rassurer ceux des républicains qui croyaient découvrir dans le projet des arrière-pensées de réaction cléricale. M. Colrat avait lu les paroles testamentaires d’un instituteur syndicaliste et socialiste qui, avant d’aller mourir bravement au champ d’honneur, avait tenu à exprimer publiquement le vœu que la France reprit des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. M. Georges Leygues a, de même, rappelé qu’en janvier 1793, les membres du Conseil exécutif de la République avaient désigné le citoyen Cacault pour les représenter auprès du Pape et il a ajouté que, si les rapports avec le Vatican étaient de nature à mettre en péril la République, on ne s’expliquerait pas comment Jules Favre, Gambetta, Goblet, Ferry, Waldeck-Rousseau les avaient jalousement maintenus.

Après les explications du Président du Conseil, la cause était entendue ; la clôture a été rapidement prononcée. Le gouvernement a deux fois posé la question de confiance, contre la motion d’ajournement et contre un amendement qui substituait à un ambassadeur