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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/141

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dans une atmosphère d’or chaud, notre côté de la terre ayant mûri au soleil, tel un vaste fruit, et les splendides arbres des quais frémirent encore au-dessus des eaux, des pierres et des livres. Des nuages d’un gris malicieux et varié coururent dans ces ciels fins d’Ile de France, qui ne semblent pas se former du même air qu’ailleurs, et, par-delà les ponts, les places et les rues, les monuments et les marchés et les caprices de la Seine autour de son île, l’élan du promeneur, malgré lui, le conduisit tout naturellement, tout religieusement, comme l’insecte vole à la fleur, vers Notre-Dame aux portes rouges.

P.-S. — Je vous écris ceci par un temps d’octobre, couleur jus d’abricot, cependant que les arbres fruitiers refleurissent. Si vous me lisez par la neige et le gel, excusez-moi, je vous prie ; ou plutôt pensez un peu, en vous réchauffant à ces souvenirs encore tièdes : « Et dire que l’on s’était plaint d’avoir si chaud ! »


LES OMBRES

Le spiritisme n’a jamais été plus à la mode. La passionnante enquête de M. Paul Heuzé dans l’Opinion a eu un retentissant succès dans le monde des vivants. Les morts vivent-ils ? peuvent-ils nous parler ? Pouvons-nous distinguer leurs ombres, leurs fantômes, leurs apparences d’outre-tombe ? Voilà ce que les uns affirment, ce que les autres nient, ce que personne ne sait et ne saura jamais, nous dit M. Maurice Maeterlinck dans le Grand Secret, livre si puissamment triste où nous comprenons que ce grand secret… c’est que, s’il y a un secret, nul ne le dévoilera jamais.

Pourquoi ?

Oui, pourquoi ? Nous savons si peu de choses sur les mystères de l’esprit et sans doute à peu près rien de ceux de lame et des âmes. Nous sommes peut-être en face de la découverte qui nous permettrait de communiquer avec tout le grand peuple des morts, comme un enfant ignorant et balbutiant en face des postes les plus perfectionnés de télégraphie sans fil ; ou même, plus simplement, si nous montons l’escalier dans l’obscurité et pressons tant et plus, au lieu de la sonnette, une moulure de la boiserie, nous nous étonnons fort que l’on ne vienne pas