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pittoresque de Simonopétra, mais il garde l’air vénérable et comme l’odeur de sainteté des vieux couvents athonites. La mer vient à ses portes. Haut perché sur ses assises millénaires de forteresse, Iviron ne sourit pas. Sa physionomie a la gravité de la vieillesse. D’un côté, les flots lui apportent la vie, les agitations de la tempête, un écho des frémissements du monde ; de l’autre, la montagne lui offre le recueillement, le silence, la paix propice à la méditation. Ses moines idiorrythmes peuvent, selon le gré de leurs dispositions intérieures, se griser des gémissements hurleurs de l’Egée ou se laisser aller à l’extase des solitudes sylvestres. Et je m’imagine que de cette double contemplation Iviron garde un respect fidèle des traditions héroïques, allié merveilleusement à une évolution constante de sa vie intérieure. C’est une des citadelles les plus farouches de l’hellénisme, un des couvents comptant le plus de lettrés. Ah ! comme nous désirions visiter une de ces fameuses bibliothèques de l’Athos si riches, malgré les nombreux actes de vandalisme des Turcs, en manuscrits anciens, en recueils de vieille musique religieuse ! Xiro Potamou était resté prudemment sourd à nos prières : le Protatou et Koutloumoussiou n’avaient point eu le temps d’y déférer. Allions-nous rentrer à bord en mal de ce désir ? Par bonheur, Iviron nous ouvre les portes de sa bibliothèque. Bien petite, cette cité des livres ! Mais que de richesses mal classées, mal rangées, mal soignées qui mériteraient la sacro-sainte tendresse d’un bibliophile !

Le vélin que je feuillette trop vite, dans le jour mourant d’une fenêtre, me parait être d’abord un palimpseste. Un examen plus attentif me fait découvrir en marge une écriture en semi-onciale gothique, pâlie, très lisible encore. O surprise ! C’est du français le plus pur. Les caractères, — ainsi, hélas ! qu’il en fut trop souvent au moyen âge, — ont été chimiquement effacés pour faire place au texte. Le copiste, avare de son temps ou de sa peine, s’est contenté de blanchir la surface strictement indispensable, laissant ainsi une triple marge de français. Qu’il serait intéressant de pousser plus avant l’étude de ces précieux manuscrits ! Ils viennent d’être, nous affirment les moines, minutieusement étudiés par un paléographe français : M. M… Je considère du coin de l’œil le général plongé dans une admiration extasiée devant des enluminures et des miniatures ornementales de toute beauté. Les couleurs, — à moins que,