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REVUE. — CHRONIQUE.

soit dans celle des coupables, soit dans toute autre, nous aurions dû les arrêter dès le premier mot et leur rappeler, avec une amicale fermeté, nos engagements réciproques. Au lieu de conserver franchement nos positions, nous avons toujours accepté des entretiens qui devaient fatalement nous entraîner à des concessions successives.

Nos alliés, voyant que nous éprouvions, dès que nous parlions de l’Entente, une sorte de crainte révérentielle ou religieuse, n’ont pas pensé qu’il leur fût interdit d’utiliser nos inquiétudes à leur profit. Ils se sont dit qu’après tout nos dispositions nous porteraient à faire seuls au culte des alliances des sacrifices que d’autres auraient dû partager. S’ils ne nous avaient pas trouvés si complaisants ou si timorés, ils ne nous auraient sans doute pas demandé de mettre au jeu de si lourdes sommes et ils auraient eux-mêmes consenti à faire plus large leur propre part. Il faut bien nous répéter, en effet, qu’ils ont besoin de nous, autant que nous avons besoin d’eux, et que, si nous ne devons pas nous séparer d’eux, ils ne peuvent pas, sans péril pour eux-mêmes, se séparer de nous. Il ne serait donc pas exact d’opposer l’une à l’autre deux politiques, la politique du maintien des alliances, et celle de la rupture. La rupture, personne n’y songe. Mais les alliances ne sont pas un but ; pour tous les alliés elles sont un moyen : elles ont pour objet la sauvegarde de leur tranquillité commune et l’exécution des traités qu’ils ont signés. Nos amis ont trop le respect de notre souveraineté pour jamais nous inviter à être leur brillant second. Ils savent qui nous sommes et ce que nous valons. Ils ne nous demandent pas de l’oublier.

Nous venons, du reste, de prouver, une fois de plus, combien nous restons nous-mêmes scrupuleusement attachés à l’observation de nos propres engagements. Le raid aérien de l’ancien empereur Charles et de la jeune impératrice Zita n’a pas été sans réveiller, dans quelques milieux français, les sympathies qui s’étaient déjà manifestées lors de la première équipée du monarque déchu. Mais l’accueil que les magnats et une partie de l’armée hongroise ont fait à ce prétendant, qui, malgré toutes les apparences, ne tombait pas du ciel et dont l’arrivée était, depuis longtemps, préparée, a immédiatement soulevé les vives protestations de l’Italie et de la Petite Entente ; et le Gouvernement de la République, fidèle, non seulement à son attitude antérieure, mais à ses obligations envers nos alliés, a, tout de suite, associé ses observations aux leurs. Il n’aurait pu se conduire autrement, sans s’exposer à des reproches justifiés et même à des représailles diplomatiques. Il est bien évi-