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de 16 pour 100. L’infanterie, notamment, a perdu 29 pour 100 de ses officiers, et 23 pour 100 de ses hommes. Alimentées uniquement dans la bourgeoisie, les professions libérales comptèrent 71 000 tués. D’après le Bulletin des Écrivains de 1914, 1918, 1919, publié par MM. Divoire, Bizet et Picard, sont tombés au champ d’honneur : 460 professeurs de l’enseignement secondaire, 5 500 instituteurs, 405 étudiants de la Faculté de droit de Paris, 70 de la Faculté de médecine, 160 de la Faculté des lettres, 330 élèves de l’École des Beaux-Arts, 260 élèves de l’Ecole des Hautes Études Commerciales, 230 élèves de l’École des Sciences Politiques, 368 élèves de l’Institut Catholique, 518 élèves ou anciens élèves de l’École Centrale, 725 élèves ou anciens élèves de l’École Polytechnique. L’Ecole Normale supérieure a perdu 112 élèves et 400 anciens élèves. Dès 1916, M. Ernest Lavisse écrivait : « Dix promotions sont allées directement de l’École au feu, soit 293 élèves : 87 ont été tués, 17 ont disparu depuis longtemps, 101 ont été blessés, 24 sont prisonniers. » Ajoutons enfin 350 écrivains, journalistes, hommes de lettres (ce chiffre est sûrement beaucoup trop faible).


Si cruellement décimée dans ses effectifs, la bourgeoisie n’a pas été moins maltraitée par la crise économique de la guerre et de l’après-guerre.

Sans doute y eut-il des bourgeois qui en tirèrent des avantages. C’est dans leurs rangs que se sont recrutés nombre de spéculateurs et de nouveaux riches. Des industriels et des trafiquants ont réalisé de gros profits, édifié des fortunes. Prise dans son ensemble, la classe bourgeoise est néanmoins celle qu’a le plus éprouvée la perturbation économique dont la cherté de la vie est le phénomène essentiel. Le paysan, vendant ses denrées à des prix élevés, y a en somme trouvé son compte. La rapidité avec laquelle il s’est porté vers l’acquisition de la terre est le meilleur signe des économies qu’elle lui a permis de réaliser. L’ouvrier a vu croître ses salaires dans des proportions qui ont souvent égalé, parfois dépassé, l’accroissement des frais de la vie. La femme ouvrière, l’adolescent ont également trouvé des emplois fructueux dans les usines. Le train de vie moyen de la famille ouvrière s’est, en conséquence, sûrement amélioré pendant la guerre.