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que soit cette tâche, qu’elle ne s’y laisse pas totalement absorber. Qu’elle ne néglige ni son devoir intellectuel, ni son devoir politique.

Nous avons aussi besoin de réviser notre évangile spirituel que de relever nos cités dévastées. Il serait à coup sûr excessif de prendre trop au sérieux les excentricités du cubisme et les puérilités déjà désuètes de nos dadaïstes. Ne méconnaissons pas le devoir que nous avons de préciser et de nous assurer les disciplines de ce que j’appellerais volontiers un néo-clacissisme. Le monde l’attend de nous et il nous manque à nous-mêmes. Ne méconnaissons pas d’autre part, si âprement que nous sollicite la poursuite de nos intérêts matériels, la nécessité de veiller à la chose publique. Il est acquis que n’importe quel régime ne peut gouverner sans la bourgeoisie, même depuis que le suffrage universel a placé en définitive le pouvoir dans les masses populaires. Il lui reste, en effet, comme l’écrit A. Bardoux, « l’entente supérieure des intérêts, la prépondérance que donneront toujours l’expérience générale des affaires, les instincts du bon sens et les ressources d’élasticité qui l’ont tant de fois sauvée dans l’adversité. » Un Gouvernement qui rencontre pour adversaire raisonné les classes moyennes en France ne saurait durer : nous l’avons vérifié avant la guerre, et l’observation est aujourd’hui plus exacte que jamais. Mais il faut que la bourgeoisie d’aujourd’hui ne mérite pas le reproche que lui faisait hier l’un de ses chefs. Elle doit être capable de faire, non seulement de la politique de résistance, mais de la politique d’action. Un provincial écrivait en 1838 : « Chacun est à ses affaires sans songer qu’il y a un Gouvernement. » La bourgeoisie française a aujourd’hui le devoir de faire de la politique, de la bonne : c’est-à-dire d’administrer toutes les forces du pays avec la même vigilance qu’elle apporte à ses propres intérêts. Dans la mesure où elle se montrera à la hauteur de cette tâche, la démocratie lui fera confiance demain, comme hier, durant la guerre, le soldat inconnu a suivi son chef bien connu : l’officier, le bourgeois français.


Serons-nous égaux à notre destin ?

Grave problème qu’il serait puéril de prétendre trancher par des déclamations optimistes, aussi bien qu’il serait coupable de nous décourager par les exigences d’un idéalisme hypercritique.