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chez un notaire de la ville que s’était fait en 1506 le partage des biens de sa grand’mère Andrée Pavin. Peut-être se souvenait-il de l’acte et de l’étude, quand il parlait plaisamment des « anciens pantarches » (ou documents) qui sont en l’illusoire « Chambre des Comptes de Montsoreau »[1].

Probablement, ses parents logeaient-ils une partie de l’année dans leur maison de Chinon, — « ville insigne, ville noble, ville antique, voire première du monde, selon le jugement et assertion des plus doctes Massoretz. »

Petite ville, grand renom,
Assise sus pierre ancienne,
Au haut le bois, au pied Vienne.

Il faut voir Chinon au printemps, quand les lilas embaument les ruines du vieux château qui la couronne. La grande salle de ce qui était alors la meilleure forteresse du royaume, où Charles VII reçut Jeanne la Pucelle et où elle le reconnut entre plusieurs seigneurs mieux vêtus que lui, n’existe plus. Mais les demeures du XVe siècle, à piles sculptées, étages en surplomb et toits aigus, qui bordent les rues tortueuses et antiques de la petite cité, ont vu passer l’auteur de Gargantua. Bâties au pied de la colline, certaines maisons ont des écuries ou des caves creusées dans l’escarpement au-dessus d’elles, et cela nous fait comprendre comment le maître d’hôtel du sire de Painensac avait pu voir à Chinon des « estables au plus haut du logis »[2]. En revanche, la boutique d’Innocent le Pâtissier[3] a disparu à l’angle Nord-Est de la rue du Grenier-à-sel ; et si la cave peinte[4] se voit toujours, elle ne ressemble plus guère à ce qu’elle était au temps où maître François y venait boire du vin frais. Sait-on même où se trouvait la maison familiale de Rabelais ? Au xviie siècle, on en avait fait une auberge à l’enseigne de la Lamproie ; reste à connaître l’emplacement de cette hôtellerie. La tradition désigne un vieux logis, au coin des rues Rabelais et de la Lamproie, mais en pareil cas, les traditions n’ont aucune valeur, et les Amis du vieux Chinon ont fait poser leur plaque commémorative sur un fort noble bâtiment classique, à pavillons et cour d’honneur, qui a remplacé, paraît-il, l’ancienne hôtellerie, son jeu de boules et son jardin.

Au pied de la cité, la Vienne coule entre ses larges prairies

  1. I, ch. viii.
  2. I, ch. xii.
  3. IV, ch. xx.
  4. V, ch. xxxiv.