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le grand géomètre antique : « Regardant la mécanique et, en général, tout art qu’on exerce pour le besoin, comme des arts vils et obscurs, il ne se livra qu’aux sciences dont la beauté et la perfection ne sont liées ù aucune nécessité. »

l’avantage des événements tels que l’éclipse lunaire du mois dernier est qu’ils obligent un instant les hommes à penser à ces objets désintéressés dont Plutarque parle si magnifiquement dans le texte que nous venons de citer. Cela est d’autant plus utile qu’une sorte de vent de folie, qui peut être funeste à ce qui fait la vraie gloire du nom français dans le monde, pousse maintenant nos gouvernants à tarir chez nous la source même des sciences « qui ne sont liées à aucune utilité. »

Or, l’exemple d’Archimède même démontre que, lorsqu’il s’est agi d’opposer à l’ennemi des engins terribles et efficaces, nul ne s’est montré plus réellement utile à la défense de la cité que l’homme qui, négligeant l’utilité immédiate, avait consacré sa vie aux recherches idéales de la géométrie.

La récente éclipse de lune n’a pas seulement occupé la presse par elle-même. On a vu, à son propos, jaillir depuis quelques semaines les controverses les plus passionnantes. La question de l’habitabilité de notre satellite, soulevée d’une manière retentissante par un astronome américain éminent, a fait couler des flots d’encre... et de salive. Un autre astronome, Anglais celui-là, a causé des discussions non dénuées d’ardeur, en annonçant, par la voix bruyante des grands journaux, que la lune présente dans son mouvement une accélération tout à fait insolite.

Je voudrais examiner ici brièvement ce qu’il faut penser de ces problèmes, dont les salons même retentissent, — ce qui honore d’ailleurs les salons. Cet examen me sera facilité par un autre événement sélénologique récent dont l’intérêt n’est pas moindre, à mon avis, et qui est l’achèvement d’une admirable carte photographique de la lune, qu’un astronome de l’Observatoire de Paris, M. Le Morvan, vient de présenter à une des dernières séances de l’Académie des sciences. Déjà l’Observatoire de Paris avait produit le grand allas photographique de la lune de Lœwy et Puiseux, qui fait autorité pour les études sélénologiqnes, parmi les astronomes du monde entier. M. Le Morvan avait, dans l’établissement de ce grand travail, été le principal collaborateur de Lœwy et Puiseux.

La Carte Photographique et Systématique de la Lune qu’il vient d’achever complète leur atlas par des documents inédits, et présente,