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il se sert pour dépiquer son blé, c’est le plostellum punicum, mêmement décrit par Varron et noté par quelques autres écrivains latins. Les procédés d’irrigation, encore employés aujourd’hui dans les palmeraies du Sud, et dont on veut, je ne sais pourquoi, faire hommage aux Arabes, — ce sont ceux dont se servaient les colons latins et carthaginois. Les Arabes (qui n’ont jamais rien inventé) ne les ont pas plus apportés en Afrique qu’en Espagne, où les Carthaginois, longtemps avant eux, puis les Romains, les avaient introduits et généralisés. La culture des oasis est punique et latine : c’est un décor latin, — et non « arabe » ou « oriental, » comme le croient absurdement des imaginations ignorantes ou prévenues, — que nous offrent ces jardins désertiques, derniers refuges des méthodes appliquées par les élèves de Magon le Carthaginois, de Virgile, de Caton et de Columelle. Enfin, l’élevage des chevaux, — dont on veut encore faire honneur aux Arabes, à tel point que le cheval numide ou maurétanien s’appelle aujourd’hui un « cheval arabe, » — cet élevage, bien loin d’avoir été créé par eux, n’a fait que déchoir depuis leur domination en Afrique. Consultez encore à ce sujet les mosaïques de l’époque romaine, ou les textes des auteurs latins : vous y verrez que le cheval, comme le coureur africain, était fort apprécié à Rome. Et enfin, dans les mosaïques, à côté de la villa romaine, vous remarquerez toujours l’étalon d’Afrique, à la crinière et à la queue tressées de bandelettes, quelquefois avec une couronne de lauriers passée autour du col, — l’étalon, orgueil de la villa et du propriétaire africain…

Examinez, après cela, dans le plus petit détail, l’orfèvrerie indigène, le mobilier, l’ordonnance des maisons, la décoration extérieure, les images symboliques et traditionnelles, partout vous constaterez la survivance du prototype punique ou latin. Quoi de plus « arabe » en apparence que le « Croissant, » symbole de l’Islam tout entier ? C’est pourtant le croissant de Tanit, ou de la Virgo Cœlestis de l’époque romaine. Ces mains ouvertes, qui sont sculptées ou peintes sur les portes indigènes, elles l’étaient déjà sur les portes de Carthage, d’après lesquelles sont encore copiées celles de nos casbahs algériennes : la forme et l’ornementation en sont toujours punico-latines. Ces œufs d’autruche suspendus dans vos logis et vos mosquées, ou bien découpés et ciselés en forme de tasses et de calices, ils faisaient