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retrouvera. David n’en était pas à une ligne près, mais ses disciples, moins riches que lui et moins sûrs de leur beau contour, tenaient à le montrer quand ils l’estimaient réussi. » — « Toujours dans l’idée de rendre le beau, dit Delécluze, Maurice Quaï prescrivait de faire des ombres claires, afin que la transition trop brusque de la lumière à l’ombre ne détruisit pas l’harmonie des formes, comme ne manquaient pas de le faire, ajoutait-il, ces cochons d’Italiens ! » M. Ingres, il est vrai, professait autre chose. Il préconisait « les ombres fortes et bouchées. » Mais le but était le même : accuser le contour, et le résultat toujours le même : ne pas faire moduler les ombres. Son mot étonnant : « Les reflets étroits dans l’ombre sont indignes de la majesté de l’Art ! » ne nous laisse aucun doute sur ce point.

Nous touchons, ici, à la partie la plus spécifique de la peinture, à ce qui, plus que toute autre chose, différencie une œuvre d’une autre, à son élément nutritif pour ainsi dire : la couleur. Quel était l’idéal du coloris pour David et son école ? Il faut le bien définir, pour mesurer la distance qui les sépare à la fois des maîtres du XVIIIe siècle, comme Watteau et Fragonard, et des modernes, romantiques, réalistes ou impressionnistes. On y verra, du même coup, à quel point les mots « peinture de l’avenir, » « avancée, » « rétrograde, » sont dépourvus de signification.

Lorsque, vers 1874-1877, les impressionnistes s’essayèrent à des harmonies, où les couleurs du spectre, très vives, étaient posées hardiment les unes à côté des autres, sans être fondues ni sur la palette, avant de peindre, par des mélanges, ni sur la toile par des glacis, et où chaque coup de brosse attirait l’attention sur la facture très apparente, ils présentèrent ces errements comme des nouveautés et les jeunes gens les acceptèrent pour telles. C’était des nouveautés, si l’on veut, en 1874, mais en 1805, les jeunes gens les auraient considérées comme des vieilleries et fort démodées. « Rococo ! » aurait crié la jeunesse au nez de MM. Claude Monet, Renoir, Sisley et Pissarro. Pourquoi ? Parce que, dans le choix des couleurs, et dans l’étalage de la facture, les impressionnistes revenaient à des procédés du XVIIIe siècle. Ce n’est pas très apparent aux yeux du public, ni de la critique, parce que le public et la critique même sont distraits par le sujet, le sens idéologique de l’œuvre et par le dessin des formes. Et sur ce point, les impressionnistes n’ont aucun rapport avec