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les auteurs des fêtes galantes. Mais, dans l’essentiel de leur technique pigmentaire, ils s’y rattachent nettement. Les complications chromiques, les diaprures de tons modulant sans cesse, les larges effets de brosse sont, déjà, très sensibles chez Fragonard. Les accents vifs abondent chez La Tour et Perronneau. Une des prétendues découvertes de l’Impressionnisme consistait, on le sait, à tenir les ombres pour des couleurs très vives. Les maîtres du XVIIIe siècle n’en étaient pas éloignés. Comme Vélazquez, comme tous les vrais coloristes, ils se gardaient bien d’empâter les ombres ; ils n’empâtaient que les lumières. L’Impressionnisme reprenait donc, sur ce point, la tradition brisée par David et M. Ingres.

Une autre découverte, en 1874, était que les couleurs vibraient davantage lorsqu’elles étaient juxtaposées, une à une, pures, morcelant un ton à l’infini et faisant apparaître sur la surface d’un même objet comme un écheveau de laines multicolores. Il suffit de regarder les portraits et certaines pochades de Fragonard, même parfois des tableaux entiers, comme la petite Fête de Saint-Cloud, pour voir que, dans ce qu’elle a de fécond, la technique divisionniste y est déjà pratiquée, — non pas d’un bout à l’autre de la toile, mais dans ses parties les plus apparentes et les plus vivantes. Eclat des ombres, division des tons, travail apparent de la brosse, partant vibration lumineuse, et savoureuse matière : tels étaient les caractères de mainte œuvre française au XVIIIe siècle. Celles qu’on voit au Louvre, salle Lacaze, en témoignent clairement.

Arrivent David et son école : à bas ces modes surannées, ces grâces ridicules I C’était bon pour des gens en jabot et en catogan, des friandises pour vieillards frivoles, des voluptés indignes de la jeune génération, virile et consciente de la grande mission de l’Art. « Pas d’outremer, pas de vert vif. Du noir et du blanc pour faire du bleu, du noir et du jaune pour faire du vert, de l’ocre rouge et du noir pour faire du violet, » dit Delacroix, qui les a bien connus. Et M. Ingres, qu’il faut toujours citer, d’abord parce qu’il fut l’élève le plus fidèle de David, ensuite parce que, exagérant son enseignement, il lui donne ce trait caricatural qui souligne l’aberration, fixe ainsi les lois de l’école : « Point de couleur trop ardente : c’est antihistorique. Tombez plutôt dans le gris que dans l’ardent ! »

Pour peindre la figure humaine, voici donc la recette :