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Elle va se poursuivre pendant les plus belles années de l’Empire. Dès les premières cérémonies qui en marquent la fondation, Napoléon commande à David quatre grandes compositions destinées à les commémorer : le Sacre de l’Empereur et le couronnement de l’Impératrice, — l’Intronisation de Leurs Majestés à Notre-Dame, — la Distribution des Aigles au Champ de Mars, — l’Arrivée de l’Empereur et de l’Impératrice à l’Hôtel de Ville. Deux seulement de ces projets furent réalisés : le Sacre et les Aigles, mais un troisième, l’Arrivée, fut esquissé avec une précision telle qu’on y voit fort bien David aux prises avec ce que nous appellerions aujourd’hui du « grand reportage. » David n’est pas le seul maître mobilisé pour cette tâche. À Girodet, Napoléon, après avoir commandé un Ossian pour La Malmaison, essai malheureux qu’il refuse, demande un tableau d’histoire récente, la Révolte du Caire, qui paraîtra au Salon de 1808. Et à Gros, de nouveau, au débotté de la première campagne de Russie, il dicte la célèbre page funèbre et glorieuse, le Champ de bataille d’Eylau, exposé au Salon de 1808, le 14 octobre, deuxième anniversaire d’Iéna.

Enfin, lorsqu’il institue un « prix décennal » de la peinture, sorte de récompense nationale destinée à l’auteur du meilleur tableau peint pendant les dix années précédentes, il décide qu’à côté des « tableaux d’histoire, » c’est-à-dire des compositions académiques imposées par l’opinion et qu’il n’ose point, malgré tout son pouvoir, proscrire, il y aura aussi des tableaux représentant « un sujet honorable pour le caractère national, » c’est-à-dire, en bon français, ses victoires. À la suite de cette décision, onze œuvres de chaque catégorie sont présentées au concours de 1810. Or, quand on compare dans les deux groupes, celles qui ont été voulues par l’esthétique régnante et celles qui y ont échappé par ordre de l’Empereur, il n’y a aucun doute que cet ordre fut bienfaisant, puisqu’il nous valut le Sacre de David, l’Eylau, le Jaffaet l’Aboukir de Gros, tandis que, dans le groupe des tableaux d’histoire, on ne trouve de vivant que la Justice et la Vengeance divines de Prud’hon, commande officielle, aussi, d’ailleurs, mais due au seul artiste du temps qui savait, sans le secours de personne, rester fidèle aux traditions du XVIIIe siècle et résister au formidable entraînement de Winckelmann.

Le hasard fait que la plupart de ces œuvres capitales sont réunies, aujourd’hui, comme elles l’étaient, en 1810, pour ce