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Le moment présent est encore dominé par le grand fait littéraire qui s’est produit au début du XIXe siècle : le romantisme. Jamais on n’a été mieux placé qu’aujourd’hui pour se rendre compte de l’ampleur de ce mouvement dont les conséquences ne sont pas encore épuisées.

Les écrivains qui aiment à réfléchir sur la littérature, sont assez généralement d’accord pour remarquer que la lutte entre le principe romantique et le principe classique se continue toujours; ils se sentent obligés à se déclarer pour l’un ou pour l’autre, ou pour la conciliation des deux. Ceux qui créent une œuvre sans se soucier de théorie, nous donnent occasion de faire à leur sujet la même constatation.

Il faut avouer que le romantisme est fortement combattu. Il passe à tout instant de. mauvais quarts d’heure dans les manifestes et les revues des jeunes. On lui dit son fait avec une aimable ingratitude, où il entre une certaine ignorance de l’histoire, mais aussi le sentiment naïf que les biens apportés par l’art romantique étant désormais assurés et faisant partie du domaine public, on n’a plus besoin de lui. Les plus violents détracteurs du romantisme sont quelquefois des écrivains d’un tempérament purement romantique, c’est-à-dire, où la sensibilité et l’imagination tyrannisent absolument la raison.

Le romantisme, d’ailleurs, un romantisme renouvelé et moderne, n’est pas sans avoir d’honorables représentants. Sans parler des excentriques qui poussent à l’extrême le principe subjectif du lyrisme, il est de beaux poètes qui s’appliquent à cultiver la frénésie et ne veulent rien communiquer de leur vie intérieure qui ne soit un paroxysme.

Quelques critiques de sang-froid, ou bien avertis de l’histoire, se refusent à honnir le romantisme, d’où ils voient bien que tout le XIXe siècle est sorti. Ils comprennent qu’en finir avec le romantisme, si l’on y réussissait, ce serait en finir avec la poésie.

De l’autre côté, on trouve des critiques classiques et traditionalistes qui, comme M. Maurras et ses disciples, proclament la primauté de la raison en littérature et en art, ou qui, avec M. Banda, dénoncent le besoin romantique d’émotion, comme e principe de corruption de la littérature contemporaine, et n’admettent l’émotion dans l’œuvre littéraire qu’intellectualisée, dépouillée de sa violence selon eux inesthétique, et convertie