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Dilecta de l’épigraphe de Louis Lambert : « Dilectæ dicatum et nunc et semper (1822-1832), » cette Dilecta dont l’empreinte fut si profonde sur l’esprit de Balzac, que, jusqu’en ses lettres d’amour à Mme Hanska, il ne pouvait se défendre de la proposer inlassablement à sa lointaine fiancée de l’Ukraine comme un modèle presque inimitable. Et rien, certes, n’est plus émouvant que cette tentative acharnée de Balzac s’obstinant à vouloir réincarner dans la personne de la jeune Etrangère l’âme de cette Dilecta vieillissante alors et presque mourante. Cette femme fut, en vérité, son premier, son plus grand, son unique amour, et la Pauline de la Peau de chagrin, la Pauline de Louis Lambert, Mme de Mortsauf du Lys dans la vallée, n’en sont que de pâles images. L’amante inégalable venait de surgir des ombres qui l’enveloppaient et sa résurrection enivrait de joie le vicomte de Lovenjoul.

Elle était obscurément ensevelie au fond d’un rébarbatif dossier de notaire, en quelques lignes, bien juridiques, où son nom de femme était précédé, suivant les coutumes légales, de ses prénoms et nom de fille. La copie de ce dossier fut apportée à M. Hanotaux, à la fin de quelque journée de travail, par son ami et collaborateur très cher, M. Georges Vicaire, et les deux balzaciens se réjouirent en pensant au beau document qu’ils avaient là : un contrat de société par lequel Balzac, n’ayant rien tiré de bon de son imprimerie, voulait essayer de rétablir ses affaires en s’associant avec Jean-François Laurent, fondeur de caractères, par acte du 3 février 1828. C’était vraiment une belle pièce et dont les deux amis, soucieux de précisions, pensaient tirer grand profil, pour les études qu’ils avaient entreprises en commun sur Balzac imprimeur. Ils lurent :

Entre les soussignés Jean-François Laurent, fondeur en caractères, demeurant à Paris, rue des Marais Saint-Germain, n° 17, d’une part, et Honoré Balzac, imprimeur en caractères, même demeure, d’autre part, et encore Mme Louise, Antoinette, Laure Hinner, stipulant au nom et comme fondée de procuration de M. Etienne, Charles, Gabriel de Berny, son mari, conseiller à la Cour royale de Paris, y demeurant, rue d’Enfer, n° 55...

Et l’acte continuait l’énumération de ses articles, stipulant la commandite de Mme de Berny, la durée et les conditions de la société.