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comme un sot contentement de moi-même, cette fierté que Boulanger a peut-être poussée à l’excès dans mon portrait.

Aussi, ce souvenir est-il pour beaucoup dans ma vie, il est ineffaçable, car il se mêle à tout. Il n’y a plus chez moi de larmes que pour deux personnes, pour elle qui n’est plus, et pour celle qui est encore, et qui, j’espère, sera toujours. Aussi suis-je inexplicable pour tous, car nul n’a le secret de ma vie, et je ne veux le livrer à personne. Vous l’avez surpris, gardez-le moi bien.


* * *

C’était ce poignant secret qui, après bien des années, se révélait à nouveau, inopinément, surgissant d’un dossier d’imprimeur. « Dans l’encre, écrit M. Hanotaux, nous avons trouvé de l’azur. » En définitive, ce grimoire notarié ne lui avait appris de nouveau que deux choses, et d’un bien mince intérêt, en apparence : le nom de fille et les prénoms de la Dilecta : Laure-Louise-Antoinette Hinner. Mais « le rapprochement de ces deux prénoms, Louise, Antoinette ne peut, ajoute-t-il, passer inaperçu surtout si on se souvient que Paul Lacroix a raconté dans ses Mémoires que Mme de Berny avait dans sa jeunesse assisté à la représentation d’une pièce de Vivant Denon, Point de lendemain, jouée à la cour de Louis XVI. Un souvenir venu, par hasard, sur les lèvres d’un ancien familier de la maison de Berny, M. Moussard, donnait encore quelques précisions a ces indices; Mme de Berny, disait-on, avec une légère erreur, était d’origine autrichienne. On pouvait donc chercher dans l’entourage de Marie-Antoinette. » On chercha, et bientôt on trouva ceci dans les registres de baptême de la paroisse Saint-Louis de Versailles :

L’an mil sept cent soixante-dix-sept, le vingt-quatre mars, Louise-Antoinette-Laure, née hier fille légitime de Philippe-Joseph Hinner musicien ordinaire du Roy et de la chambre de la Reine, et de Marguerite-Émélie Quelpée de Laborde, a été baptisée par nous, prêtre curé de cette paroisse. Le Parein, très haut, très puissant, très illustre Prince Louis Seize, roi de France, et la Mareine, très haute, très puissante, très illustre Princesse, la Reine de France, le Parein représenté par très haut, très puissant seigneur Louis-Sophie-Antoine Duplessis de Richelieu, duc de Fronsac, pair de France, premier gentilhomme de la chambre du Roy, maréchal des camps et armées de Sa Majesté, noble génois; la Mareine représentée par très haute, très puissante dame Laure-Auguste de Fitz-James, princesse