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Voilà qui est net : toutes les lettres de Balzac furent, suivant la dernière volonté de la Dilecta, brûlées quelques heures après sa mort. La destruction des lettres de Mme de Berny à Balzac ne fut pas aussi radicale : dix-huit d’entre elles et un fragment y échappèrent, et M. de Lovenjoul les retrouva par la suite dans les papiers du romancier. Dans ces mêmes papiers se retrouvèrent aussi vingt-huit brouillons et fragments de brouillons des lettres adressées par Honoré à son amie au début de leur amour. Et c’est tout. Encore faut-il observer que, par un caprice du sort, les brouillons de lettres de Balzac ne correspondent pas aux lettres de Mme de Berny; les brouillons de Balzac sont de 1822, les lettres de Mme de Berny vont approximativement de 1828 à 1832.

Mais, telles quelles, ces épaves constituaient un trésor, et le vicomte de Lovenjoul, qui le possédait, terminait ainsi la lettre enthousiaste que nous citions au début de notre étude : « Plus que jamais, je vous dis : Venez, Venez! » Malheureusement, les circonstances ne furent pas favorables et lorsque parut, en 1903, la première édition de la Jeunesse de Balzac, édition d’ailleurs introuvable aujourd’hui, une seule des lettres de la Dilecta y était reproduite. Puis le vicomte mourut; mais en léguant à l’Institut de France la collection de ses manuscrits, il confiait à MM. Hanotaux et Vicaire le soin de publier les précieuses reliques du premier amour de Balzac. Son vœu est doublement réalisé : la seconde édition de la Jeunesse de Balzac, qui lui est bien justement dédiée, va paraître, les brouillons de Balzac et les lettres de la Dilecta y sont contenus et, auparavant, la primeur de très importants extraits de cette correspondance sera donnée aux lecteurs de cette Revue dans les pages qui vont suivre.

Cependant une grande tristesse nous vient, a la pensée que l’un des deux éditeurs de ces lettres n’en verra pas l’apparition : M. Georges Vicaire, en corrigeant les dernières épreuves, vient de s’endormir dans la mort, la plume à la main, comme un bon travailleur. Que ces lignes lui soient un dernier salut de notre amitié.


MARCEL BOUTERON.