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crois rêver. De plus, il y a pour la conversation un jeune médecin fort instruit et s’exprimant très bien.

En voilà bien long sur moi, mais c’est que ces détails t’intéressent, n’est-ce pas? J’ai apporté les Contes Bruns[1], et vais y faire mes féroces corrections que je t’enverrai aussitôt. Quant à la Transaction[2], chéri, je ne la corrigerai pas, car je crois que tu as signé l’engagement de ne pas la prendre, et je ne pense pas que tu sois tenté de mettre tes ennemis dans leur droit, s’ils venaient à crier contre ta mauvaise foi. Plus tu es en évidence, ami, moins tu dois t’entacher, plus tu as d’envieux, moins tu dois leur laisser de prise sur toi. J’ai su samedi, avant mon départ, que ta mère n’avait pas encore fait partir un paquet dans lequel se trouvait ma première lettre; hélas ! tu m’as indiqué cette voie pour économiser les ports de lettres, et d’infernales ennemies de mon repos t’en auront fait payer bien d’autres. Que de grand cœur j’aurais affranchi mes lettres, pour qu’elles soient lues les premières. Didi! il n’est donc plus de bonheur possible pour moi! ! ! Ecoute, ami, avant de recevoir la réponse à la lettre que je t’ai écrite vendredi dernier, je veux t’expliquer ce que j’entends par un certain sacrifice que je t’ai demandé.

Ce n’est pas la connaissance de certaines dames dont je t’ai demandé le sacrifice, non, car les unes t’amusent, les autres te sont ou te seront peut-être utiles, au moins tu l’espères: ainsi ce serait alors un sacrifice personnel à toi que je t’aurais demandé et tu sais si je veux de ces sortes de sacrifices. Ce que je veux, c’est le secret de ces dames et de leurs correspondances, car il m’appartient et m’appartiendra, tant que notre position

  1. Contes Bruns. Par une [tête à l’envers]. Paris, Urbain Canel, rue du Bac, n° 104; Adolphe Guyot, place du Louvre, n° 18, MDCCCXXXII, in-8. Ce volume contient des nouvelles de Balzac, Philarète Chasles et Charles Rabou. Les deux nouvelles de Balzac sont : Une conversation entre onze heures et minuit (pp. 3-96 et le Grand d’Espagne (pp. 175-538). Elles devaient être réimprimées dans un recueil qui n’a jamais paru, intitulé : Causeries du soir.
  2. La Transaction a paru pour la première fois, dans L’Artiste des 20, 21 février, 6 et 13 mars 1832; elle reparut, la même année, dans le tome 1 du Salmigondis, contes de toutes les couleurs, Paris, H. Fournier jeune, 1832, in-8, sous le titre de : Le Comte Chabert ; en 1835, elle devient, dans le tome IV de la première édition des Scènes de la vie parisienne, Paris, Mme Charles Béchet, 1835, in-8 : La Comtesse à deux maris; depuis, elle a été publiée dans le tome II des Scènes de la vie parisienne (1re édition de la Comédie humaine) sous son titre définitif : Le Colonel Chabert. Voir Spoelberch de Lovenjoul, Histoire des Œuvres de H.de Balzac, 3e édition, Calmann-Lévy, 1898, in-8, p. 29.