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décemment aux services publics qu’une nation comme la France ne peut manquer de juger indispensables à des peuples dont elle a la responsabilité. Mais, il faut le répéter, ce moment viendra bientôt. Déjà l’effort financier des États syriens et libanais est appréciable et il n’épuise en aucune façon les capacités fiscales de ses habitants. L’ensemble des recettes perçues en 1921 dans les pays sous notre mandat doit s’élever à environ 172 millions (dont 65 pour les douanes et 107 pour les impôts directs perçus par les États). Pour donner une idée de l’effort fiscal fourni par la Syrie, il faut ajouter que la Dette publique ottomane perçoit directement dans ce pays des revenus importants, en particulier les dîmes de certains sandjaks qui lui sont gagées.

Le rendement des impôts peut augmenter beaucoup : celui des douanes par l’efficacité grandissante du contrôle français, celui des impôts directs par une reconnaissance plus serrée de la matière contribuable. Non seulement la reconnaissance de la propriété permettra de taxer des terres qui échappent complètement aujourd’hui au fisc, mais encore elle augmentera l’étendue des biens domaniaux, en révélant beaucoup d’empiétements qu’ils ont subis. Les domaines sont déjà vastes, particulièrement dans l’État d’Alep, et une gestion mieux contrôlée va, dès l’année prochaine, commencer à augmenter leur rendement. La Syrie n’est pas un pays dès à présent tondu de près par le fisc: il reste à celui-ci une marge assez large à exploiter que des réformes d’une exécution plus ou moins rapide permettront d’utiliser et qu’élargira d’ailleurs le développement de la richesse publique. Espérer ce développement n’a rien de chimérique; la Syrie n’est pas plus, en effet, le pays sans ressources que l’Eldorado que d’aucuns ont dénoncé ou vanté. Nous avons pour l’apprécier un élément de comparaison bien connu dans nos possessions de l’Afrique du Nord à laquelle la Syrie ressemble beaucoup physiquement et que très certainement elle vaut en moyenne, à surface égale.

Les vestiges mêmes du passé révèlent, comme dans l’Afrique du Nord, que, sous la paix romaine, les cultures furent beaucoup plus étendues que nous ne les trouvons après les bouleversements subis par la Syrie depuis la fin de l’Empire romain et après des siècles de domination ottomane : le pays sur la route d’Homs à Palmyre, celui à l’Est du Hauran, où l’on ne trouve plus un seul village, sont semés de ruines.