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de 1914) de donner l’assaut sans tarder. Il déploie donc son armée en pleins champs, plus ou moins parallèlement au Midi, et envoie frère Jean faire un mouvement tournant vers l’Est et le Sud : le moine se glisse par les marais, le long du Négron, puis obliquant à gauche s’avance, au-dessus de la ferme du Peux-Girard (ou Puits Girard, comme on l’appelle à présent, car elle existe encore), jusqu’au grand chemin de Loudun.

Cependant l’assaut a commencé. Picrochole, en brave chevalier, fait une sortie « avec quelques bandes d’hommes d’armes de sa maison ; » mais il est « festoyé à grands coups de canon : » « pour mieulx donner lieu à l’artillerie, » les troupes gargantuines ont même redescendu les coteaux. Les canons de la ville répondent, mais leurs coups sont trop longs et passent au-dessus de l’objectif. À la fin, un certain nombre de chevaliers de Picrochole chargent en désespérés sur la pente : ils sont reçus entre les carrés, et à peu près tous détruits. Ce qui reste s’efforce de se retirer en bon ordre vers l’Est ; mais frère Jean qui a occupé le passage entre la ville et le Négron disperse ce détachement ; après quoi, il empêche sagement ses hommes de donner la chasse aux fuyards. De la position qu’il occupe, il domine tout le champ de bataille et il est bien placé pour juger de la tactique à suivre : il envoie donc un de ses officiers pour engager Gargantua à faire passer quelques forces sur les coteaux de gauche, de manière à couper toute retraite à l’ennemi du côté de Chinon. Aussitôt le fils de Grandgousier envoie ses troupes de ce côté, lesquelles rencontrent la plus grande partie de la gendarmerie picrocholine, commandée par son roi, qui avait fait retraite par-là sous la protection des canons de la ville : les Gargantuistes attaquent, mais non sans souffrir beaucoup de la garnison qui, des murs, tire sur eux. Ce que voyant, leur général leur envoie des renforts et un duel d’artillerie s’engage de ce côté, qui attire tous les défenseurs de La Roche-Clermaut sur la muraille de l’Est.

Alors frère Jean, qui s’est aperçu que personne ne garde plus le rempart en face de lui, avance sans bruit et escalade la muraille Sud avec son infanterie, laissant au dehors ses gens d’armes « pour les hasards. » Ses fantassins surprennent les gardes de la porte, font entrer les cavaliers, et tous ensemble courent vers la porte de l’Occident. Prise à revers, la garnison se rend à merci. Le moine la fait désarmer et enfermer