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REVUE MUSICALE


THÉÂTRE DE L’OPERA-COMIQUE : Reprise d’Orphée. — THEATRE DE L’OPERA : L’Enlèvement au sérail, de Mozart; Ascanio, de M. Camille Saint-Saëns. — Un critique musical ignoré.


Après un travesti qui durait depuis une soixantaine d’années, Orphée de nouveau s’est fait homme. Mme Viardot la première avait, comme dit lady Macbeth, mais en sens contraire, « desexed » le poète de Thrace. Ce fut d’ailleurs pour la plus grande gloire et du personnage et de l’interprète. Faut-il se féliciter du récent retour à l’état masculin? Ne l’oublions pas, le premier des deux Orphées de Gluck, l’italien, avait été « créé, » — si le terme n’est pas ici plus que jamais ambitieux, et même impropre, — par un contralto du genre équivoque alors à la mode, il signore Guadagni. Après lui, le premier Orphée parisien, dans la partition retouchée par Gluck pour la scène française, fut le ténor Legros. Plus tard, les deux Nourrit, père et fils, reprirent le rôle tour à tour. Puis le chef-d’œuvre tomba dans un long oubli. Pour l’en tirer, il fallut, en l’année 1859, la piété de Berlioz et le genre de Mme Viardot. Après quelques autres dames, dont Mme Caron sans doute restera la plus mémorable, « un homme s’est rencontré, » qui ne parut point à MM. les directeurs de l’Opéra-Comique indigne de ce qu’on peut appeler une restitutio in integrum. Aussi bien n’y fut-il pas tout à fait inégal. M. Ansseau possède une voix robuste, éclatante, et dont on lui sait gré de ne point abuser. Il émet les sons plutôt qu’il ne les pousse. Il ne les traîne pas non plus et ne s’y attarde point à contre-sens, pour son plaisir. Ses meilleurs moments furent son entrée aux Champs-Elysées et l’air fameux entre tous : J’ai perdu mon Eurydice, qu’il a dit, — nous l’en félicitons, — avec simplicité. Mais il est un don, le don suprême ici, qui, manque à l’Orphée nouveau, et que les anciennes Orphées,