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part il n’appuie et n’insiste; il indique, il esquisse, et craignant d’alourdir un sujet déjà pesant, il se contente de l’effleurer, puis il passe. Jusque dans une scène dramatique, unique d’ailleurs, il garde cette réserve. Elle fait plaisir. Voici la chose. Entre Mme la duchesse d’Étampes et la signorina Scozzone, il a été convenu ce qui suit. La demoiselle Colombe d’Estourville, ayant encouru la jalousie et le courroux de l’une et de l’autre, s’est réfugiée dans l’atelier de Benvenuto. Elle y est poursuivie et près d’être prise. Heureusement un grand reliquaire d’or est là, qui doit être envoyé par Benvenuto aux Ursulines. Colombe s’y cachera et le couvent sera son asile. Mais la méchante duchesse, ayant découvert la supercherie, s’entend, pour la déjouer, avec Scozzone. C’est au Louvre que sera portée la châsse. Elle y restera trois jours, assez longtemps pour ne se rouvrir que sur un cadavre. Au dernier moment, Scozzone recule devant le crime. Elle prend dans le reliquaire la place de Colombe, dûment avertie par elle du subterfuge, et sous les vêtements de l’Italienne, silencieuse et voilée, c’est Colombe qui suit le cortège. Ce repentir, cette substitution expiatoire nous est connue, mais Benvenuto l’ignore. Et voilà pourquoi la marche funèbre qui l’accompagne n’est funèbre en quelque sorte qu’à demi, confidente et gardienne du secret terrible que nous savons, nous aussi, mais qu’elle doit taire. L’équivoque était malaisée à rendre. Avec un goût délicat, avec une sensibilité furtive et discrète, la musique a su la créer et l’entretenir.

En maint passage, elle a bien de l’esprit, cette musique. Nous en avons autrefois déjà relevé plus d’un trait. Si Benvenuto signale à l’un de ses élèves une faute de dessin, l’orchestre, de l’aveu même du compositeur, u l’orchestre joue à l’envers le motif du travail. » Et c’est un rien, mais ingénieux et spirituel.

C’est quelque chose que le ballet, et quelque chose d’exquis. Il est de style ancien, antique par endroits, tant il a de noblesse et de pureté. La plus belle page n’est pas loin d’évoquer la plus belle aussi qu’ait écrite Rameau pour le clavecin : l’Entretien des Muses. Et voici qu’à la fin, tout d’un coup, l’esprit non seulement français, mais parisien, voire faubourien, succède à la poésie et sans façon la bouscule. Un cornet à pistons attaque une valse. Étonnante et comme étonnée elle-même de se voir ou de s’entendre ici, dans une fête Renaissance, devant le roi François Ier et l’empereur Charles-Quint son hôte, elle mêle, de façon fort plaisante, un coin de Montmartre aux parterres de Fontainebleau.

Pour M. Reynaldo Hahn qui dirigea l’orchestre d’Ascanio après