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Strasbourg et Metz figurent comme villes germaniques, momentanément détachées du Reich. Tous les grands journaux allemands publient, au sujet de l’Alsace et de la Lorraine, des correspondances perfides ou fantaisistes, et le Gouvernement de Berlin lui-même essaie de se livrer, en territoire français, à une propagande qui est une violation manifeste du Traité de Versailles, et que nous sommes vraiment inexcusables de tolérer.

Un simple exemple. Après l’armistice, un individu étrange, dont on ne sait s’il est surtout un dément ou un aventurier, a été condamné à la déportation et s’est réfugié en Allemagne. De là, il répand aujourd’hui dans toute l’Alsace des circulaires, des tracts, des brochures, des questionnaires, des factums, tout cela accompagné de timbres-poste; et il cherche à provoquer des pétitions dans lesquelles les habitants s’adresseraient à la Société des Nations pour réclamer l’autonomie ou la neutralité de la province. Il ne s’est pas trouvé un seul Alsacien pour signer les papiers que lui envoyait ce traître ou ce fou et pour les expédier à Genève. Les propositions de ce personnage bizarre ont été écartées avec autant de dédain que les photographies qu’il a distribuées et qui le représentent l’index de la main droite sur le front, comme s’il voulait nous montrer un monde dans sa tête. Mais l’Allemagne, qui est, sans doute, à court d’intermédiaires et d’agitateurs, a littéralement couvert d’or ce personnage ridicule; et grâce à l’inépuisable générosité du Reich, il est à même d’inonder tous les jours l’Alsace de ses prospectus et de ses calomnies.

A de tels signes, nous pouvons juger de la bonne foi allemande. Pas plus en Haute-Silésie qu’au Slesvig, pas plus à Leipzig qu’à Malmédy, pas plus au Cameroun que dans l’Est africain, pas plus en pays messin qu’en Alsace, le Reich n’a renoncé. Il ignore le Traité qu’il a signé, comme il ignore l’ultimatum devant lequel il a provisoirement cédé. Chaque engagement qu’il a pris n’a été pour lui qu’une pause, un temps d’arrêt, un moyen de respirer quelques instants et de recommencer aussitôt la résistance.

Le voyage de la Commission des Réparations à Berlin n’a fait, comme il fallait s’y attendre, que confirmer les renseignements déjà recueillis par le Comité des garanties. Au mois de mai dernier, l’Allemagne a obtenu ce qu’elle voulait. Par des promesses dilatoires, elle nous a arrêtés aux portes de la Ruhr. Nous avions mobilisé à grand fracas une classe dont notre armée du Rhin ne croyait pas, du reste, avoir besoin pour occuper sans coup férir le bassin minier. Nous avons renvoyé dans leurs foyers, après les avoir inutilement