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la reconnaissance de notre souveraineté par nos alliés. N’exagérons-nous pas un peu? Et péchons-nous par orgueil ou par modestie? Comment! Tous nos amis avouent que nous nous sommes sacrifiés pour eux, comme pour nous; ils rendent justice à notre bravoure; ils s’apitoyent sur nos deuils ; ils avaient pensé, à un moment donné, qu’ils nous devaient des garanties pour l’avenir; ils ont changé d’avis; ils ne nous donnent plus rien; et nous entonnons aujourd’hui un pœan parce qu’ils nous laissent juges des nécessités de notre défense! Nous avons vraiment le triomphe facile.

Sans doute, la France a pu constater en Amérique que son nom y était entouré du lustre le plus éclatant. Elle a eu, grâce aux heureuses paroles de M. Briand, l’impression de n’être pas moralement isolée; elle a même recueilli des déclarations de solidarité dont on ne saurait contester l’intérêt; mais, elle y a appris aussi qu’à Washington on ne la regarde pas comme le centre du monde et que les préoccupations américaines ne se confondent pas toujours avec les nôtres; et, en réalité, elle est revenue les mains vides.

Ne nous plaignons pas trop de ce résultat négatif; il était inévitable. Disons-nous seulement que la France a été aussi brillamment représentée qu’elle pouvait l’être dans les premières séances de la Conférence de Washington, que MM. Viviani, Sarraut et leurs collaborateurs vont maintenant y défendre nos intérêts avec toute l’autorité et tout le talent désirables, et que le temps est venu de nous remettre au travail à Paris.

Pendant l’absence du Président du Conseil, plusieurs questions urgentes sont restées en suspens : celle de l’accord de Wiesbaden, celle du sauvetage de la Banque industrielle de Chine, celles surtout du budget et du traité d’Angora. Pendant que M. Balfour et M. Briand travaillaient en si bonne harmonie à la Conférence de Washington, nous continuions, de Paris à Londres et de Londres à Paris, une petite querelle de ménage avec l’Angleterre, et les échanges de notes se poursuivaient, entre les deux Gouvernements, sur un ton dont les agences vantaient la cordialité, mais qui, tout de même, n’était pas celui d’une parfaite entente. L’Angleterre a même fini par annoncer que, la France persistant à se séparer d’elle en Orient, elle allait, elle aussi, reprendre sa liberté.

Il serait puéril de nier l’incohérence avec laquelle nous nous sommes conduits, depuis deux ans, dans toutes les affaires d’Asie-Mineure. M. Franklin-Bouillon, qui était allé une première fois à Angora sans mandat officiel, y est retourné au mois de septembre