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Dimanche, 9 janvier.

Un signe curieux des préoccupations habituelles à l’esprit russe est la complaisance avec laquelle les littérateurs s’appliquent à décrire la vie qu’on mène dans les prisons, dans les bagnes, dans les résidences de relégation. C’est un thème familier à tous les romanciers ; chacun se croit obligé d’encadrer quelque aventure pathétique dans le décor sinistre d’une maison de force ou d’un pénitencier sibérien.

Dostoïewsky a commencé, en transposant ses souvenirs personnels dans le livre qui est, selon moi, son chef-d’œuvre : les Souvenirs de la Maison des Morts. Tolstoï, dans Résurrection, nous initie avec un réalisme implacable aux moindres détails matériels, administratifs, moraux, de la réclusion et de la transportation. Korolenko, Gorky, Tchékow, Véressaïew, Andréiew, Dymow, etc. apportent également leur contribution à ce musée d’horreurs, dont les tableaux ont pour fond la forteresse des Saints-Pierre-et-Paul, la citadelle de Schlüsselbourg, les solitudes sépulcrales de Tourouchansk et de Yakoutsk, les rivages glacés de Sakhalin. Il est probable que la plupart des lecteurs se disent intérieurement : « J’irai peut-être là, un jour. »


Mardi, 11 janvier.

Malgré la rigueur du froid et l’extrême difficulté des communications, les armées russes de Galicie sont remarquables d’initiative et d’entrain.

Le prince Stanislas Radziwill, qui arrive de cette zone, me raconte que, la semaine dernière, un officier allemand, qui venait d’être capturé, l’ayant entendu parler polonais, s’est rapproché de lui et lui a glissé à l’oreille, dans la même langue :

— Les Allemands sont claqués. Tenez bon !… Vive la Pologne !


Mercredi, 12 janvier.

Les troupes anglaises et françaises ont achevé, sans accident, d’évacuer la presqu’île de Gallipoli.