Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/835

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait résisté durant la bataille du Jutland à l’explosion d’une mine dérivante et même rejoint ses bases dans le corps de bataille de l’amiral von Scheer.

Pour le couler, on ne disposait que d’une bombe de 814 kilogs, d’un type anglais, contenant environ 350 kilogs de trinitrololuol, et l’avion choisi pour effectuer le bombardement était un avion américain, bi-moteur de 800 chevaux, appelé Martin-Bomber.

Les expériences étaient fixées au 19 juillet et devaient comprendre deux parties distinctes, à savoir : un bombardement avec des projectiles pesant jusqu’à 300 kilogs, une deuxième épreuve avec des bombes lourdes (800 kgs. ou plus).

La première phase se termina par un échec : 52 bombes furent lancées, 13 atteignirent le navire et ne causèrent que des dégâts peu importants.

La deuxième phase dura 25 minutes. Deux bombes de 800 kilogs, tombées à quelques mètres à tribord, entr’ouvrireat les flancs du dreadnought, par disjonction des plaques de blindage, et 15 minutes après, l’ » Ostfriedland » avait disparu sous les flots.

Ce fut alors de la stupeur. — Comment ! un avion qui représentait seulement 15 ans de science aéronautique, avait réussi à envoyer par le fond un cuirassé de 23 000 tonnes qui avait été lancé en 1913 et qui, dans l’opinion de ses constructeurs, devait résister victorieusement aux mines, aux torpilles et aux obus de gros calibre ! Le ministre de la Marine lui-même disait, le soir de cet événement mémorable : « Il nous faudra cuirasser les navires de surface jusqu’à la quille ! » Et les officiers qui se rappelaient peut-être cette phrase de Fontenelle : « Je le crois parce que vous me le dites, mais je ne le croirais pas si je le voyais, » avaient la souffrance d’être obligés de croire. Un attaché naval étranger, aimant beaucoup son métier, disait avec tristesse : « De telles expériences ne devraient pas être permises. » Elle général Mitchell, le gagnant du challenge, s’écriait : « Ceci n’est rien, je n’avais que de petits projectiles, mais actuellement j’en ai un qui pèse 4 300 livres, et ce n’est encore qu’un commencement. »

Vraiment, il fallait bien admettre en toute bonne foi que l’aviation devait figurer dès lors parmi les paramètres qui s’alignent dans l’équation d’une victoire sur mer. La nécessité de