Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/837

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cuirassé va-t-il disparaître? Va-t-on le reléguer dans les ports, comme un engin très décoratif, très majestueux, mais désormais inutile? Ce n’est guère probable. Ce qui semble logique, c’est que le cuirassé subira une transformation appréciable. On pourra toujours construire des navires de surface capables de résister aux gros projectiles à un moment donné. Il s’agit de savoir si la protection ainsi réalisée sera effective contre les engins d’aviation pendant les quinze ans d’existence d’un dreadnought ou super-dreadnought.

Nous avons vu précédemment que le calibre des canons n’augmentait pas sensiblement. En tous les cas, il y a une relation étroite entre l’accroissement des calibres et l’amélioration de la protection. Mais il y a une notable différence entre le progrès de la cuirasse et celui de la bombe aérienne offensive. Quinze ans d’aviation, avons-nous dit, aboutissent au projectile le plus puissant qui ait jamais été réalisé.

Tout ceci peut nous faire entrevoir une guerre navale, où la mer sera vide et où les cieux seront sillonnés d’avions. De temps à autre, on verra émerger d’énormes navires sous-marins, armés de canons, et la bataille prendra alors un peu l’aspect des batailles sur terre, avec des avances à pleins feux, suivies d’un refuge dans la profondeur des eaux.

Nous pouvons dire en terminant que nous ne souhaitons nullement voir se préciser cette image, après la longue et dure guerre que nous venons de clore si glorieusement. Tout au plus, pourrions-nous affirmer qu’il faudra quand même se préparer à des choses qui révolutionneront l’art de la guerre, maritime et terrienne. Le vrai de l’avenir est toujours invraisemblable au temps présent. Nous l’avons bien vu au cours de ces dernières années. Il faut toujours se souvenir de cette phrase prononcée avec tant d’à-propos ici-même par le général Hirschauer: Si vis pacem, serva cœlum.