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L’arrivée aux affaires du cabinet Soult lui rendit un moment toutes ses illusions. Parmi les nouveaux ministres, et les plus influents, il ne comptait que des amis. Il avait connu Barthe au Globe, Thiers, en même temps que Mignet, à l’Arsenal, fréquenté chez le duc de Broglie au temps de sa jeunesse. Guizot enfin, devenu grand maître de l’Université, allait pouvoir, sans plus tarder, réaliser ses projets grandioses et l’un des premiers qu’il voudrait s’associer serait certainement celui auquel il multipliait naguère les assurances du plus affectueux dévouement :


« Paris, 25 octobre 1831[1].

« J’ai l’air d’avoir bien des torts envers vous, mon cher Amédée, et je m’en désole. Vingt fois j’ai voulu vous écrire et n’en suis pas venu à bout. Vous pouvez savoir que je suis fort occupé ; je suis encore bien plus dérangé et je perds bien plus de temps que je n’en emploie. Aujourd’hui, je vous écris de la Chambre, aux bruits des murmures de l’extrême gauche, que Charles Dupin impatiente. Pardonnez-moi donc tous mes retards et croyez que votre frère et vous, vous n’en avez pas moins occupé très souvent ma pensée. Je prends peu d’amis et ne les quitte jamais. Je ne connais pas Mlle de Quérangal, mais ce qu’elle fait m’apprend ce qu’elle est, et je félicite notre pauvre Augustin de son excellente fortune. Il a raison de s’y confier et vous de le lui conseiller. Qu’il prenne au vol un peu de bonheur en ce monde. J’aurai un vrai plaisir à le voir, car j’espère bien que nous le reverrons ici. Vous faites merveille de le prendre avec vous et de ne plus vous en séparer. Vous aurez vous-même un intérieur qui vous manque. Je voudrais bien que nous réussissions à arranger enfin à votre frère une situation passable. J’en ai parlé, j’en parle, j’en parlerai. Nous viendrons à bout de quelque chose. Par malheur, le temps s’écoule et je m’en impatiente comme vous. Dites-lui que nous l’aimons toujours, que nous lui demandons de parler de nous à M, le de Quérangal et comptez sur mon amitié, comme je compte sur la vôtre.

« Tout à vous,

« GUIZOT. »

  1. A Amédée Thierry.