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cet abandon continue, je la laisserai là et je ferai avec ma femme des livres pour les enfants[1]. »

Pour l’honneur des lettres françaises, Augustin Thierry n’en fut pas réduit à cette extrémité. Il n’eut point à réclamer une attestation qui, répondait Villemain, « serait la honte du pays. »

L’instant qu’il désespérait davantage, allait au contraire lui apporter le salut, le ramener à Paris en l’arrachant à son exil forcé. La Société de l’Histoire de France venait de se fonder sous l’égide et par les soins de Gu²zot. Son but, défini dans le rapport au Roi, du 31 décembre 1833, était de « choisir dans les archives locales et dans celles de l’Etat les documents importants de l’histoire nationale et de les publier successivement, sans blesser aucun intérêt, ni convenance publique, mais aussi sans puérile pusillanimité. » Admirable et féconde idée qui devait donner naissance au grand Recueil des Documents inédits de l’Histoire de France, « élever chez nous l’étude des souvenirs et des monuments du pays au rang d’institution nationale. »

Des difficultés d’ordre budgétaire, l’opposition entêtée de Garnier-Pagès retardèrent quelque temps l’accomplissement de ce noble projet. Approuvé par la Chambre, soutenu par le Roi, Guizot enfin put se mettre à l’œuvre.

Avec Mignet, Fauriel, Guérard, Cousin, le général Pelet, Augustin Thierry fut l’un des premiers collaborateurs auxquels il s’adressa. Par lettre officielle du 10 novembre 1834, il le chargeait de surveiller et diriger « la collection des chartes Concédées aux villes et aux communes par les rois et les seigneurs du XIIe au XVe siècle et celle des ordonnances et constitutions des diverses corporations, maîtrises, etc. établies en France aux diverses époques. » Le but précis de ce grand travail était en outre indiqué clairement. Il s’agissait « de trouver, autant que possible, dans l’histoire des communes et des différentes sociétés particulières qui se sont formées dans leur sein, une sorte d’histoire générale des origines de la bourgeoisie et du Tiers-Etat. »

Une somme annuelle de trois mille francs, portée bientôt à quatre mille cinq cents, était allouée à l’historien. En outre, « plusieurs jeunes gens instruits et laborieux » étaient mis à sa

  1. Vesoul, 27 février 1834.