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disposition pour l’assister dans une entreprise « longue et délicate. »

Aucun labeur de science ne pouvait davantage enchanter l’«apôtre des communes, » ni s’accorder mieux à ses recherches de prédilection. Pour l’avoir déblayé déjà, il connaît le terrain sur lequel il est appelé à construire. Son cœur s’associe à sa pensée pour conduire à ses fins une œuvre colossale qui les partage l’un et l’autre. Il l’accepta comme l’accomplissement de sa destinée, et la poursuivra quinze ans avec une inlassable énergie. Un grand livre en sortira, tout d’apaisement scientifique et d’abstraction sereine: l’Essai sur l’histoire de la formation et des progrès du Tiers-État.

Presque en même temps que lui parvenait cette heureuse nouvelle, une autre, non moins agréable, arrivait à Augustin Thierry, qui le tirait définitivement d’inquiétude. Le Duc d’Orléans achevait de constituer sa maison. Il restait à pourvoir un poste de bibliothécaire, et comme autrefois son père à Casimir Delavigne, ses aïeux à Fontenelle et à Laujon, le prince, continuant une tradition de famille, désirait l’accorder à quelque littérateur en renom. Des amis moins proches du pouvoir que Villemain, Thiers ou Guizot, mais familiers de Ferdinand-Philippe et de dévouement plus empressé: Ary Scheffer, Auguste Trognon, M. de Boismilon, s’employèrent activement en faveur de l’historien aveugle, auquel la reine Marie-Amélie vint elle-même prêter son généreux appui.

Au commencement de décembre, après quelques retards dus au mauvais vouloir de Thiers qui défendait un autre candidat, Trognon avait enfin la joie d’annoncer à son ami qu’il était agréé et le tranquillisait en même temps sur ses attributions :

« M. le Duc d’Orléans connaît parfaitement votre état et la connaissance qu’il en a, n’a fait que le décider davantage en votre faveur. Il y aura sous vous un homme chargé de ranger et surveiller la bibliothèque, où vous viendrez vous asseoir et travailler quand il vous plaira et dont vous réglerez les achats sur un fonds déterminé. Votre place est une de celles que les princes s’honorent de donner en les donnant à des hommes tels que vous : voilà ce que M. le Duc d’Orléans a senti et vous comprenez ce que je vous disais tout à l’heure, comment votre situation vous a assuré la préférence sur tout autre homme de