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lettres à qui il eût eu l’idée de proposer ce poste dans sa maison. Il n’est jamais entré dans sa pensée d’attendre de celui qu’il choisirait le service d’un commis de bibliothèque. Bien entendu, vous prendrez possession quand il vous plaira ; je souhaite que les chartes de M. Guizot vous attendent aussi tranquillement que les livres de M. le Duc d’Orléans. »

Une indemnité de 2 800 francs sur la Direction des Beaux-Arts était allouée à l’emploi.

Rien ne s’opposait plus au retour d’Augustin Thierry à Paris. Sur le conseil des médecins, il passa cependant l’hiver à Vesoul. Au printemps, de persistants accès de fièvre vinrent encore reculer son départ. Enfin soulagé, il l’arrêta définitivement pour l’automne de 1835.


LES RÉCITS DES TEMPS MÉROVINGIENS

Ces trois années d’angoisse morale, d’espoirs toujours trompés, de désillusions successives, n’avaient pas été sans exercer sur la santé de l’infirme la plus fâcheuse répercussion. Son confiant optimisme, sa foi idéaliste, sa croyance robuste en l’amitié avaient disparu, remplacés par le doute et la misanthropie. La génération montante lui apparaissait forgée d’un métal suspect, la proie d’une sorte d’affaissement intérieur, incapable de s’enflammer, comme la précédente, pour les grandes idées et pour les nobles causes. Ses anciens compagnons de lutte ont émigré « vers ces régions de la politique d’où l’on ne revient guère. » Il se sent isolé, se croit abandonné et, pour amertume suprême, de nouvelles méthodes semblent s’établir en histoire, l’égarant à ses yeux hors de sa vraie route. Aux tristesses de l’homme viennent s’ajouter les alarmes du savant.

L’agitation tumultueuse, les émeutes sanglantes qui marquèrent le début du nouvel ordre de choses, lui inspiraient des sentiments mêlés de tristesse et d’inquiétude, dont on peut retrouver la trace dans les lettres qu’il adressait à Guizot et dont celui-ci, dans ses Mémoires, a publié de longs extraits.

Il condamnait résolument la propagande des journaux avancés et s’insurgeait contre leurs doctrines, la République se confondant à ses yeux avec la démagogie. Pourtant, il conservait son estime et son amitié au plus turbulent des agitateurs, son ancien secrétaire, Armand Carrel, dont il savait