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L’ANGE

À cette merveille — peut-on sommeiller? — Elle est sans pareille, — il faut s’éveiller...

LE BERGER

Enquoère un cop, — si m’ès quitta la paillasse, — enquoère un cop, — jou t’harei courre daou gran galop. — Si taléou sourtit de ma liasse, — n’espérés pas quartiè ni graço, — enquoère un cop.

(Encore une fois, — si tu me fais quitter ma paillasse, — encore une fois, — moi je te ferai courir au grand galop. — Et tout aussitôt sorti de mon aise, — n’espère pas quartier ni grâce, — encore une fois.)


Et ceci, où la tristesse, la fatigue de la vie à gagner, à porter, se résume en un vers du berger, ceci qui est amer et beau :

L’ANGE

Venez rendre hommage — à ce nouveau-né, — portez-lui en gage — ce cœur obstiné. — Levez-vous sans craindre, — faites un effort, — cessez de vous plaindre, — dans votre heureux sort.

LE BERGER

Lou sourt hourous — n’és pas jaméi nouste partago. — Lou sourt hourous — n’és pas en tous praoues pastous. — Pér quin estrange badinage — bos-tu qu’augim pèr un matnayge — lou sourt hourous...

(Le sort heureux — n’est jamais notre partage. — Le sort heureux — n’est point pour les pauvres pasteurs. — Par quel étrange badinage — veux-tu que nous ayons par un enfant — un sort heureux...)

Mais, petit à petit touché, saisi par la voix de l’ange, le berger se lève. Je traduis à mesure. C’est alterné.

Je vais me lever, — mais, croix de paille ! — tu pourras t’en mal trouver !

Ouvrez vos paupières, — un Dieu charitable — vient briser vos fers... — C’est dans ce village...

Que me dis-tu? — Dans ce pauvre lieu? — Ce n’est point croyable. — Le bon Dieu dans une étable? — (A quo qu’em sémble bère fablo). — Cela me paraît une belle fable !...